Une petite valse


Ecrire ou ne pas écrire. Voilà la question. La vraie.

La réponse est tout sauf évidente.

On ne sait jamais vraiment pourquoi on commence un blog (sauf peut-être si ce sont de mauvaises raisons, comme « vendre », par exemple). J’imagine qu’on ne sait pas davantage pourquoi on l’arrête, un jour, définitivement, soit le fermant, soit le laissant mourir dans un bras mort du web. Encore moins pourquoi, de temps en temps, on a besoin d’une pause.

Une bien longue pause, cette fois ci, j’en conviens.

Peut-être parce que écrire sur sa vie de vigneron, c’est aussi, bien sûr, écrire sur soi même. Se livrer, se confier. Depuis quelques mois,  le sujet me semblait épuisé. Moi à la vigne. Moi à la cave. Moi en voyage. Les sujets ne manquent pas. Les angles non plus. Mais c’est toujours une mise en scène de son travail donc de soi même, et, parfois, on voudrait parler d’autre chose, juste du temps qui passe, des enfants qui grandissent, des nuages superbes que l’on contemple le matin en se disant qu’il y a bien peu de choses plus belles au monde, du climat qui donne et qui prend, du commerce, des peurs, des joies. De la vie, tout simplement, qui est là et dont on doit profiter, chaque minute, parce qu’un jour, bien sûr… Mais bon, voilà, c’est un blog, alors, fatalement, on en est le centre. L’intérêt est là. La lassitude, sans doute, vient aussi de là.

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Il y a aussi un équilibre, fragile. Trouver du temps, une heure, au moins, minimum, pour s’immerger dans un sujet et lui donner un éclairage qui ait un peu de sens. Sinon, à quoi bon ? Prendre des notes, quand les idées vous viennent, sur un bout de papier ou un coin de téléphone, sous peine perdre un bon billet pour toujours. Penser à la prendre en photo, cette vigne, ce sarment, ce sourire, cette terre, cette lumière, ces mains. Mettre des mots sur ses émotions, trouver le courage de les exprimer, sachant, bien sûr, que le lecteur qui vous pratique un peu va voir tout ce qu’il y a derrière, votre humeur, gaie ou triste, assurée ou inquiète, vos « états d’âme » comme dirait Olivier Julien, vigneron unique, poète et tourmenté.

Le vigneron, le vrai, il rêve de mettre dans son vin toutes les émotions qui le balayent au cours d’une année pour que peut-être, en étant bu, il en déclenche d’autres, joyeuses et intenses. Le vin devrait suffire, être le seul vecteur. Mais les mots, convenons en, c’est bien aussi. Il leur faut du temps pour naitre, pour éclore. Tout cela au milieu de la vie d’une entreprise et d’une vie privée. Alors, à certain moment, besoin d’un dire stop, de vide. Il suffit de plus d’un tout petit déséquilibre, un bureau qui bouge de place, un enfant qui change d’école, une habitude qui vous quitte ou vous prend, et, soudain, le temps libre disparaît. Comment le trouvait-on, avant ? Mystère. Tout se grippe. Mieux vaut alors se taire.

Pourquoi  y revient-on, comme je le fais aujourd’hui ? Le mystère est tout aussi brumeux. Une envie, ce matin, au lever du jour, de chanter avec les oiseaux devant un ciel magique, au Clos des Fées. Soudain, la pluie qui tombe à trois mètres de vous mais pas SUR vous, expérience incroyable. La lumière s’irise dans le soleil et l’on sent la vie, partout, et bien sûr en soi. Un rayon de soleil pointe à ce moment précis, aux travers d’une branche de chêne, et l’on se dit que, vraiment, on ne peut garder ça pour soi.

Le soleil monte, plus vite qu’on ne le croit, il ne fait que ce qu’il fait depuis des milliards d’années, mais, ce matin, là, il vous montre une perspective de vos vignes que vous n’aviez encore jamais regardée, à ce moment précis, en ce lieu précis, à quelques centimètres près. Et vous vous dites que vous aimeriez être peintre. Et qu’à choisir, ce matin là, être Van Gogh vous irait bien.

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Mais cela ne suffit pas. D’où vient le déclic qui vous pousse à vous livrer à nouveau ? Qui le saura… De cette discussion avec un ami vigneron, passionnante, éclairante, que vous ne pouvez garder pour vous seul ? Ou un soir, alors que la tramontane se lève, alors que vous savez qu’en ce moment même elle vous arrache des sarments, la perception d’un moment de calme absolu en vous disant que vous avez trouvé votre place dans le monde ? Où un matin, en vous lavant les dents, dans une playlist lancée par hasard sur Weezer, la découverte d’un nouvel artiste que l’on adore, tout de suite, parce qu’il vous touche ? D’un clic, Grégory Porter vous emmène alors de sa voie chaude, dans un ailleurs où vous êtes bien, et là, la porte s’ouvre. Vous vous dites qu’il est temps de recommencer à écrire, sans vous faire violence, temps de sacrifier à nouveau quelques heures de sommeil à l’écriture d’une tranche de vie bien futile, mais qui enchantera, par chance, un autre être humain. Ou deux.

Partant pour une nouvelle petite valse ?

 

3 commentaires

  • Christophe Libaud
    21/06/2016 at 12:05 pm

    Vouloir Van Gogh et revenir à ce qui est en puissance, vous revoilà multiple et « connectif », merci.
    Votre nécessité vous imposait, ici, le silence.
    Qu’importe, à nouveau dans d’infinis voyages pour expérimenter la précision d’un fragment d’horizon qui nous offre autant de perspective sur le quotidien « augmenté », encore merci.
    Un ciel, un nuage puis un autre et tant de temps déjà passé et cette éternité inchangée dans son propos (et là je souris) et pourtant ces nuages sont autres et peut-être les premiers messagers du « temps à nouveau » et de ce pont émotionnel qui vous projette ici et maintenant. Différent et pluriel parmi les choses et les êtres. A nouveau merci de cet élan.

  • Vincent ML
    21/06/2016 at 12:50 pm

    Re-bienvenue Hervé. Content de vous savoir de retour et au plaisir de continuer à vous lire.

  • Michel Smith
    22/06/2016 at 4:22 pm

    Merci de reprendre goût au partage de l’écrit et de la rêverie. Je ne sais toujours pas pourquoi j’ai laissé tomber mes blogs n’y pourquoi, ou par quel sujet, j’y retournerais un jour… Par un beau matin d’été, comme toi ?

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