Vendanges 2020 – Ouvrir le ban


Voilà, ça y est. J’ai trouvé le courage. A moins que je n’aie fait que raviver en moi une forme d’inconscience, d’impudeur, de candeur, celle d’imaginer que depuis avril 2005 et qu’après 1278 billets, je puisse encore trouver quelque chose à dire, à vous dire.

J’ai sorti mon tambour, mon clairon, puisque cette vieille expression vient du fin fond du Moyen-Âge où l’un des deux instruments convoquait les habitants pour avertir d’un évènement, d’une publication officielle. Le «ban» était l’air que l’on jouait, tout simplement. Les tambours ont disparu, puis les gardes-champêtres, puis les bans eux-mêmes, sauf pour les mariages et les vendanges. Mais que c’est beau, Hervé, que c’est beau. Faire ainsi le lien entre les grands évènements d’une vie… En général, on ouvre toujours le ban par cépage et par période. J’ai reçu par mail ce matin celui du «Muscat Petit Grains Zone II» pour le 21 Août. On aurait pu glisser dans un mail une belle photo, une grappe dorée ou un gendarme en bicorne, un mp3 de clairon. La poésie se perd et plus aucun Boris Vian, pour manger, ne devient fonctionnaire au bureau des normes et autres joyeusetés.

J’aimerais avoir aussi, parfois, à ressortir ce «blog» de dessous un vieux lit à ressorts, au fond d’un grenier, devoir trouver un escabeau pour atteindre le dessus d’une armoire, entendre racler sur le bois d’un parquet une malle en métal, en ouvrir le cadenas. J’aimerais que ce blog existe physiquement, dans la vraie vie, qu’il soit «une chose», un truc physique, que je puisse souffler dessus, m’émerveiller de le revoir en dépliant une couverture de déménagement peluchée ou le sortir d’un papier huilé, avoir entre les mains un objet, complexe, avec du métal, des pierres, du bois d’olivier poli et des sarments de vigne, retirer délicatement de vieux serments aussi, ceux qui promettaient d’écrire plus souvent, de ne jamais arrêter, d’être courageux, discipliné, régulier, de ces résolutions que l’on range avec celles de fin d’année, les fameuses «bonnes», en sachant, au moment même où on les exprime, qu’elles ne seront pas tenues.

Mais non. J’ouvre mon navigateur, un mot de passe enregistré et me voilà à vous écrire, sur un blog flambant neuf, dont l’interface a changé, apparement, je ne sais combien de fois pendant que je sommeillais. Rien de bien romantique. Mais si vous souriez un peu, déjà, alors, c’est un peu comme si…

Voici donc venu le temps de ma 22ème vendange. Eh bien, qui l’eût dit… Que je les fasse, déjà, car, au début, personne ne misait sur nous, ne pas le dire serait mentir. Que le Domaine ait une telle progression, en taille, en matériel, en homme et femme de qualité travaillant à mes côtés, en succès, en prestige, disons le mot. Merci, du fond du cœur. Je ne suis plus – enfin, j’ai la faiblesse de le croire – un journaliste et sommelier qui s’est mis à faire du vin, mais un vigneron qui, autrefois, dit-on, a connu d’autres vies, antérieures, de son vivant. C’est déjà beaucoup. Cela me suffit.

Je vais donc tenter, au fil des jours qui raccourcissent, de vous raconter ces vendanges, chers amis, à vous qui n’êtes, ne rêvez pas, que quelques centaines. Vous raconter un peu de moi, aussi, vous ouvrir une partie de ma vie, une partie de ma tête, une partie de mon cœur, puisque tels sont le challenge et la difficulté d’un blog (et c’est sans doute pour cela que le format s’éteint doucement…) avec toutes les définitions et les sens que ce mot permet, d’après mon cher Littré :  « faire que ce qui était clos ne le soit plus », fig. « ouvrir la porte, donner accès »; « faire attention à »; « rendre clairvoyant »; « confier ses plus secrets sentiments »

Ayant déclaré bruyamment et joyeusement ce blog de vendanges ouvert, je le dédie cette année à mes ami.e.s cher.e.s, dont l’amitié m’aide, me soutient, me motive, me donne le courage et l’envie de recommencer ce blog cette année.

Et comme vous aviez aimé l’année dernière, ce que j’écoute, au jour le jour, pendant les vendanges. Si j’ai le courage, le temps et l’inspiration.

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