Vendanges 2022 – Jour J+4 – Chercher son chemin


Fin juin, lors d’un diner, mon amie H. me demandait comment je faisais pour écrire tous les jours. M’implorant de dire la vérité, elle m’avoua me soupçonner de préparer tout cela tout au long de l’année. Quelle étrange idée. D’abord, je n’ai pas ce talent. Ensuite, qu’écrire ? Non, ce blog se fait dans la souffrance, au jour le jour, il se taille dans le dur, sort de la pierre.

Comment est-ce possible ? C’est assez simple, il suffit de penser blog, de manger blog, de boire blog, d’être obsédé par ça, toujours en éveil pour saisir le mot, l’image, l’idée qui, développée, qui sait, aura un intérêt, le tout au milieu d’un quotidien déjà bien rempli. Une vie d’ascète : plus de télé, plus de radio, plus d’amis, plus de sorties. Des vendanges et de l’écriture. Un brin de masochisme, bien sûr, car j’y prends une sorte de plaisir, celui du «flow», cet état mental mis en lumière par Mihály Csikszentmihalyi, que l’on atteint dans un état maximal de concentration. Il faut pour cela être totalement engagé dans une activité, concentré, mais aussi dans l’engagement, être tourné vers l’autre. On est alors habité d’une sensation d’accomplissement, la certitude d’être à la bonne place dans le bon espace temps. Sans doute est ce aussi pour cela que j’écris. Pour le flow.

Mais les idées sont des elfes fugaces et inconstants. Ce matin, par exemple, en revenant à travers la vallée, j’ai eu deux ou trois bonnes idées. Et puis, bien sûr, dans la fureur de la journée, pas le temps de les noter. Elles se sont enfuies, certain je suis de ne les revoir jamais. Quand je commence à parler comme maître Yoda, c’est qu’on est VRAIMENT dans les vendanges.

Journée d’étape et de repos après un week-end intense. Une petite cuve à rentrer, un déplacement de 2021 en élevage, quelques boitiers, pompes, roues, tuyaux à réparer, la traçabilité à mettre à jour, la routine quoi. Et des clients charmants, bien sûr, qui passent au caveau.

Le temps, enfin, le temps, surtout, de déguster les premiers moûts en fermentation.

Bon, et bien curieusement on est pas mal… D’abord les vignes sont vertes, elles ne souffrent pas, aucune feuille jaune, aucune grappe passerillée. Quelques grappes ont été échaudées, mais on les élimine facilement au moment de la vendange.

Certains vendangeurs sont d’un chic…

Ah, on a commencé les soutirages après débourbage des premiers blancs et, bien sûr, on a… oublié de fixer des tâtes-lies. On corrigera ça dans la semaine. Un târe-lies, c’est un long coude mobile, que l’on dirige de l’extérieur de la cuve, en bas, en le faisant descendre lentement jusqu’au moment où, au mireur, le dépôt arrive. Bon, je sais, c’est trouble (pas trouple, hein, c’est autre chose) mais on s’est fait un peu attraper par les levures naturelles, impatientes de démarrer. Je n’aime pas vinifier les blancs trop limpides, ca les rend simples et fragiles.

Le temps aussi de déguster avec l’équipe les premiers vins en fermentation. Les pH sont bons, les volumes finalement corrects, bien mieux que 2021, clairement inattendus. Croisons les doigts, mais jusque là, tout va bien.

Grosse journée quand même, 8h-20h. Mais quand on aime, on compte pas. En fin de journée, Le temps de déguster les pinots, qui vont dans la bonne direction et de jeter un œil sur les soutirages de Sylvère qui est vraiment un expert. Pas pour contrôler, mais parce qu’au fond des cuves, parfois, il y a des photos magiques… Comme celle-là. Le hasard, mon ami, le hasard…

Une nouvelle vue du télescope James Webb de la surface de la planète…

Bon, j’y peux rien, j’aime Adèle et j’aime cette chanson que le hasard me remet en tête. Je suis un grand romantique… Il y a en moi quelque chose de «girly», qui explique sans doute mes vins, quelque part.

Et comme le dit si bien Li Po «Vous me demandez ce qu’est le bonheur suprême ici-bas ? C’est d’écouter la chanson d’une petite fille qui s’éloigne après vous avoir demandé son chemin»

Ce que j’écoute, au jour le jour, pendant les vendanges. Mais pas tous les jours.

2 commentaires

  • Christina Aulsan
    17/08/2022 at 8:35 am

    Je me regale de vous lire chaque jours qui accompagne ces vendanges 2022. Vous avez un grand talent pour raconter vos grandes journées et en sortir le meilleur, vous ecrivez tellement bien…Je suis fan de votre blog!
    L’idée d’un bouquin est très bonne!!
    Bonne continuation pour ces vendanges et surtout n’arrêtez pas de nous alimenter de vos récits.
    Cordialement
    Christina

  • Francis
    17/08/2022 at 8:41 am

    Bonjour,
    Toujours lecteur assidu sinon client 🙂
    Je suis si loin du vin….
    Mais cette citation en conclusion … Merci

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