Vendanges 2022 – Jour J+7 – Voir passer l’escadrille


il y a des jours avec, et puis des jours sans. Et des jours mi-figue, mi-raisin. Vendredi soir, 19h, encore à la cave, je tente d’écrire pendant que les pressoirs s’écoulent, le moral dans les chaussettes, épuisé mentalement par cette journée où rien ne s’est passé comme prévu. Les emmerdes, c’est bien connu, ça vole toujours en escadrille, comme disait Jacques Chirac.

Tout avait pourtant bien commencé, comme souvent dans les histoires. Levé à la fraîche, je trace dans les vignes, secteur Génégals, avec des amis chers, bordelais de passage, grands professionnels devant l’éternel. Je sais, je ne devrais pas recevoir pendant les vendanges. Mais eux, c’est spécial.

On traverse les vieilles vignes de Grenache blanc qui, bien qu’ayant clairement dépassé les 120 ans d’âge, ont décidé de tout donner. En passant au milieu des gobelets torturés, qui portent tous un kilo voire un kilo et demi de grenache somptueux, je pense, bêtement, à ces vidéos sur le web ou un athlète se déguise en vieillard et vient taquiner des sportifs de rue sur une barre fixe. Ces vignes là, rien ne leur fait peur, rien ne les effraie…

Chaque grappe est bien à l’abri, cachée sous le feuillage, protégée par l’ombrage du parasol naturel que permet la taille en gobelet. De loin, on ne voit presque rien, mais en effeuillant, les baies se révèlent. Tout est vert, bien sûr; après tout on est en août. Clairement, l’effet terroir joue cette année à fond, et entre la plaine et les calcaires de Vingrau, il y aura deux semaines d’écart au niveau maturité, bien bon.

Voilà que je pense à la barre fixe… Ah, les agrès. Le nom est ancien et qualifiait, au temps de la marine à voile tout ce qui permettait le réglage du bateau : voiles, vergues, cordages. Par extension, dans le sport, ce sont tous les équipements qui permettent un sport, pas simplement dans la GAM (Gymnastique Artistique Masculine) contrairement à ce que l’on croit.

Dans l’ordre olympique, on a le sol, le cheval d’arçons, les anneaux, le saut, les barres parallèles et enfin la barre fixe. Un monde. J’avoue, j’ai une profonde admiration pour ces athlètes. Habillés, dans la rue, ils passent pour des jeunes gens normaux. Justaucorps à peine enfilé, mains poudrées de magnésie, ils deviennent des surhommes. D’ailleurs, ils finissent au cirque du soleil.

Je rêve toujours de réussir un vin qui fasse penser à ces hommes, capables d’allier équilibre, coordination, force, souplesse, détente, agilité. Arriver dans un vin à allier parfaitement puissance, tension, équilibre, buvabilité, intensité aromatique, longueur, grâce et, qui sait, l’autre, la divine. Mettre sur la bouteille le portrait de Joseph Martinez, athlète oublié aux moustaches impressionnantes…

Bref, c’est en arrivant à la cave que ç’est parti en cacahuète.

Mourvèdre en pressurage direct pour tenter un peu de rosé, franchement magique, mais… vibreur de la benne en rade. On bloque, on tente, on câble, on décâble, on recâble et tout le planning se décale…

Je gêne plus qu’autre chose, d’autant que, de l’autre côté , le tapis de décuvage s’arrête en plein effort et m’appelle. Défaut de graissage, sans doute. Axe à changer, lundi, si on trouve la pièce. Oui, mais la cuve est écoulée, il faut la décuver. On démonte la maie sur un autre tapis et en avant l’opération sanglante… C’est lent, c’est bâclé, c’est système D, c’est les vendanges.

On passe deux heures à tenter de soigner le vibreur. Enfin ! Il vibre ! On termine le chargement des pressoirs. Tout le planning de la journée est foutu, donc celui de la semaine prochaine et bien sûr les projections de remplissage de cuve que je déteste ne pas remplir. Tiens un tuyau d’eau explose et nous inonde. L’escadrille, je vous dis, l’escadrille… Il ne manquait plus que le Willmess (c’est un pressoir) s’arrête en milieu de cycle. Une heure à chercher la panne, ouf on repart.

A quelle heure finira t-on ce soir ? Personne ne le sait, personne ne râle, personne ne se plaint. La passion, que voulez-vous, la passion… Certains soirs , elle sauve. Mais bon…

Lovely Day quand même, allez…

Ce que j’écoute, au jour le jour, pendant les vendanges. Mais pas tous les jours.

Un commentaire

  • Michel Smith
    28/08/2022 at 6:10 pm

    Cet hommage à Bill Withers devrait t’aider à remonter la pente !

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