Vendanges 2022 – Jour 10 – Effeuiller. Ou pas.


Cette vendange ne ressemble à aucune autre. Mais bon, en vérité, aucune vendange ne ressemble à aucune autre. Feuillage vert, peu de vignes en stress et même, dans certains cas, une pousse qui continue malgré un nouvel épisode de chaleur extrême . On retrouve le tropical humide, mais il ne pleut pas, en tout cas sur le nord des P.O., sur le sud, quelques milèmètres par-ci, par-là, mais que l’on aimerait bien avoir.

32, 34, 36, la température monte étrangement toute la journée, de 20° le matin à 39° au soleil vers 19 heures. Mais à partir de 15 h, impossible de rester dehors. Le planning tient, nous devrions commencer la Chique lundi en alternant, peut-être, blanc et rouge dans la journée. Mais les blancs, c’est pas sûr.

Même si les degrés montent, les grenaches blanc et gris ne me semblent pas vraiment mûrs. Un effeuillage manuel, tout en délicatesse, leur ferait du bien, accélérait le mûrissement, leur donnant cette couleur dorée unique, avec ce petit mouchetage d’or. Mais si il fait encore trop chaud, nous risquons de brûler , en particulier les précurseurs d’arômes, ces molécules inodores, incolores, sans saveur mais qui contiennent en eux la genèse des futures arômes, lorsqu’ils auront été transformés par la fermentation alcoolique. Je vous épargne les noms savants mais dans les premières Syrah sur la fraîcheur, décuvées, quelle surprise de trouver de légères nuances de 4-méthyl-4-sulfanylpentan-2-one (4MSP), rares dans les vins rouges car le plus souvent associés au Sauvignon blanc, comme chaque lecteur le sait ici… Voire une étonnante touche d’acétate de 3-sulfanylhexyl (A3SH)… Bref, un peu de buis, de genêt, une touche de pamplemousse.

Une légère contrainte hydrique après véraison (on y est franchement…) est, on le sait désormais, favorable à la formation des fameux précurseurs d’arômes mais la clé, c’est, pour simplifier «alternance d’ombre et de lumière». Ni trop à l’ombre, sinon pas d’arôme. Ni trop au soleil, sinon on les détruit.

Quoi de mieux que le gobelet pour cela ? Rien. Ca tombe plutôt bien puisque tous nos Grenaches et nos Carignans sont en gobelet. Il serait sans doute temps de les mettre au soleil, mais cela demande de comprendre l’action, de se retenir de trop enlever, trop vite. La chanson de Juliette Gréco, quoi. Mais pour expliquer la nuance à une équipe de Roumains pleins de bonne volonté mais ne faisant pas dans la nuance, plus la barrière de la langue, c’est délicat.

«Prudence est mère de sûreté » comme disait ma grand-mère et donc, j’écoute Serge et son long nez de chasseur. En revanche, les quelques rouges de la vallée nord, on peut y aller. Sur le Cabernet-Franc, on a les très connus arômes de «poivron vert», surtout dans les régions où la vigne a du mal à mûrir. Chez nous, comment vous dire sans vexer : on mûrit toujours, un jour ou l’autre. Sauf en 1958, je crois, ou en 1954 quand, mon voisin, Michel, m’a raconté qu’il a plu du 15 août à la Toussaint sans discontinuer, au point que les seaux à vendanges flottaient dans les vignes. Seuls les chevaux ont permis de sortir quelques raisins, dont le jus aigrelet termina dans une chaudière, distillés.

On est à un mois des vendanges dans la vallée nord, on peut y aller. La feuille jusqu’au raisin, jamais après, défaire les paquets, ça parait simple mais ça ne l’est pas. Il faut un peu de «goût» pour la plante, l’envie de la comprendre, de l’aider, comme on aide un enfant qui apprend à marcher, qui descend son premier escalier, avec amour.

Le problème avec les photos de vendanges ou d’effeuillage, c’est qu’on photographie surtout des culs…

Chacun des permanents prend deux ou trois roumains sous son aile, corrige patiemment, explique, montre par l’exemple. Yves, le roi de la cisaille, calme un peu le haut des sarments, histoire de mettre un peu d’ordre. Mais bon, on reste fidèle au «coiffé-décoiffé». De toute façon, j’ai planté en fonction du soleil et l’ombre portée de chaque cep, quand le soleil est au zénith, protège de son ombre le cep d’en dessous.

Bon, le cabernet franc en gobelet, c’est une viticulture d’élite. Toutes les grappes qui naissent finissent dans la cuve : pas de vendanges en vert, pas de tries, pas de saignée. Un élan naturel, la vigne donne peu mais bon. Economiquement, ç’est plus compliqué. Mais c’est si beau.

Je pense à mon ami Denis Durantou, qui m’a permis d’acheter cette sélection massale de Cabernet-Franc, un solde qu’il avait fait pour l’Église-Clinet. Je crois qu’il y a maintenant quelques bons clones. Un peu de lui survit, ici.

On dirait pas, mais ça monte. Il fait frais, tout va bien. Une journée de travail, 9 personnes, 70 ares. Quand on aime, on ne compte pas.

Ah, au fait, cuillère, masculin ou féminin ? A toi, Léon : «eh bien les deux, car on peut dire «je me suis lavé le cul-hier ou je me suis lavé… la queue-hier». Désolé. C’était une autre époque. Elle avait son charme.

Ce que j’écoute, au jour le jour, pendant les vendanges. Mais pas tous les jours.

6 commentaires

  • Levavasseur
    26/08/2022 at 8:34 am
  • Levavasseur
    26/08/2022 at 8:36 am

    1 journée, 70 ares 9 personnes, ok, c’est des standards qui me parlent!

  • damien
    26/08/2022 at 8:44 am

    Quel beau paysage, merci pour la réponse , je trouve que Leon avais de bonnne blague quand-même 😉

  • Patrick
    26/08/2022 at 9:05 am

    Toujours un réel plaisir de démarrer la journée avec la lecture de ce billet de vendanges !
    Ps : Dans ma famille en Bourgogne, cuillère s’écrivait également au pluriel : »je me suis lavé les couilles hier ». Autres temps effectivement, bonne journée.

  • William
    26/08/2022 at 10:31 am

    oulàlà
    Même à l’Entrecôte on aurait pas osé la faire celle là …
    Les temps changent ‍♂️

  • Cyril
    26/08/2022 at 11:36 am

    photo de cul, blague de cul…ce blog est a la dérive 😉

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