Vendanges 2022 – Jour 15 – Débourber


Semaine du blanc. On y est, on y reste. Après les grenache gris, les grenache blancs. Mes plus vieilles vignes…

On parlait phylloxéra hier, mais si ce puceron a ruiné la viticulture française et obligé à une refonte totale du vignoble (des dizaines de millions d’hectares n’ont jamais été replantés, des régions entières ont perdu toute vigne, toutes les vignes en foule – encore parfois marcotées chaque année – ont disparu), et bien il a fait la fortune du Roussillon.

1858, premier train en gare de Perpignan. Le vin peut voyager et se vend vite mieux que le blé, majoritaire mais difficile à cultiver dans les terres caillouteuses. C’est le fameux Barbu du Roussillon, pratiquement sans gluten et donc facile à digérer, remis à la mode par le grand Roland Feuillas. On l’abandonne pour la vigne et le vin qui voyage désormais en wagon citerne de bois vers Bercy, le quartier du vin qui a supplanté peu à peu les quais de Jussieu où le vin arrivait par bateau. La consommation explose dans Paris, d’un million d’hectolitres en 1800, elle passe à 3,5 millions en 1865. C’est la rumba des étiquettes, les rues, qui portent chacune le nom d’une région ou d’une appellation, sont les seules dont l’origine est garantie. Le vignoble du Roussillon connait un essor fulgurant et atteint presque 70 000 ha. Le phylloxéra se répand en France à partir de 1860, mais ne touche le Conflent qu’en 1878 : quinze ans d’une prospérité inimaginable. Les villages s’étendent (ma maison date de cette époque), on construit des écoles car elle est désormais obligatoire. Le milieu agricole est vent debout, perdant une main d’œuvre gratuite et docile, surtout au moment des vendanges.. En 1873, Jules Émile Planchon a mis au point le greffage sur plan américain. Mais l’information est longue à se diffuser et, de toute façon, les vignerons sont ruinés et les plantations, au début, rares car on a du mal à croire au miracle. Et il faut attendre 1877 pour qu’on diffuse les premiers porte-greffes, voire 1880. Georges Couderc multiplie les hybrides mais crée aussi des porte-greffes célèbres en masse, donc le 3309 C, en 1881, hybride de Riparia et de Rupestris qui porte son nom et dont je suis fan.

Si vous avez tout suivi, vous avez tout compris : lorsque la technique se diffuse, les vignerons du Roussillon ont les poches pleines et des vignes encore actives. Il peuvent donc planter, greffer sur place avec des bois encore vivants. C’est assez unique, le Rhône, le Languedoc, par exemple, sont obligés d’aller chercher des bois ailleurs, en particulier en Espagne. Ce qui est intéressant, dans l’histoire, c’est que la lignée génétique est respectée, qu’il y a transmission de cette déformation que produit le terroir, qu’il y a entre les siècles une transmission de la sélection naturelle des souches les plus adaptées.

Tout ça pour vous dire que mon vieux grenache blanc est très vieux. Si le C.V.I (Casier Viticole Informatisé) est initié en 1998, le registre viticole démarre en 1953 à la suite de la création de l’institut de vins de consommation courante. A cette date, on répertorie toutes les parcelles et on leur donne un âge. Quand elles sont très vieilles, vu que personne ne se souvient de la date de plantation (aucun papier à remplir à cette époque, ni pour planter, ni pour arracher…), on met 1901 en date de «naissance». Elle est greffée et non franche de pied, donc postérieure au phylloxéra. Au pif, donc, mais rien de grave. Ces vieilles vignes, déjà, à l’époque, étaient souvent complantées. Donc aucune n’a vraiment 120 ans. La mienne a un âge inconnu. Mais en pleine forme.

Bon, voilà, je voulais pas du tout parler de tout ça et j’ai perdu le fil. Je voulais parler du débourbage, de là le titre ! Passionnante discussion avec Sylvère, notre nouveau collaborateur en cave, champion du débourbage, du coup, qui revient d’Afrique du Sud, de chez un grand et illuminé vigneron local qui source des micro vignobles francs de pied un peu partout dans le pays, fait des heures en camion frigo pour les atteindre, attiré par les vieux gobelets et leur capacité à proposer, sur la même souche, du mûr à l’extérieur et du frais à l’intérieur. Les grands esprits se rencontrent. Il s’appelle Chris Alheit, j’ai vu qu’il y en avait chez 1JOUR1VIN, je vais essayer d’en trouver.

Hier, passage des dératiseurs. Enfin, des nouveaux dératiseurs, les écolos et consorts sont passés par là et on doit désormais respecter les nuisibles, mêmes les rats (vous savez, les fameux surmulots, parce que rat c’est connoté…). C’est pas qu’il en y ait ici mais la procédure HACCP a changé et on ne peut plus mettre les pièges soi-même. Faut des spécialistes. Bon, ceux là sont sympa. Ils vont passer 6 fois par an pour commencer, mais 12 fois après. Pour relever non pas des pièges, mais de la bouffe pour les attirer, pour «voir si…». Après, seulement, ils auront une «réponse graduée», afin de ne pas tuer n’importe qui n’importe comment. Pourquoi pas. En attendant, qui paye ? Moi et ça me fend le cœur à la Raimu dans la partie de cartes, parce que la note va être salée, quelque soient leurs efforts. Qui respecte ? Moi, parce que Carrefour m’oblige et me contrôle. Qui d’autre, chez les vignerons ? Personne bien sûr. Qui s’en fout ? Tout le monde, il y a tellement de lois, de règlements, de normes que plus personne ne les connait et qu’il faudrait engager un million de fonctionnaires de plus pour tout contrôler.

C’est la vie, Lily… Ce sont des fans du blog, qu’ils ont récemment découvert. Ils me demandent avec candeur où se cache l’équipe marketing qui produit tout ça tous les jours… Je rigole. Ca me rappelle une vieille blague avec un curé qui, la nuit, fait des briques et… Elle vaut le détour mais elle attendra.

Ce que j’écoute, au jour le jour, pendant les vendanges. Mais pas tous les jours.

2 commentaires

  • damien
    02/09/2022 at 5:26 pm

    Oh dommage on a pas la chute de la blague! Bon sinon, oui effectivement ,il parait que maintenant on dit « surmulot »….
    Moi quand il font la taille d’un avant bras j’appellerai pas ça des « surmulots » mais plutot des SuperRats.

  • Bacchus
    12/09/2022 at 10:44 pm

    Et le débourbage ???

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