Vendanges 2022 – Jour 25 – Appréhender


Blanc, rosé, rouge, bien alignés, il est temps de se confronter avec la réalité qu’elle soit réussite, échec ou pire, banalité. « Avant d’être bon, un vin doit être vrai » m’a dit un jour Nicolas Joly et je n’ai jamais oublié cette phrase. Vrai ET bon, hein, c’est quand même l’idéal… Devant toutes ces bouteilles alignées, fatigué, lassé par ces vendanges qui n’en finissent pas, je mesure toute l’énergie, les moyens, la science, la technologie, la fatigue, tous les efforts, tous les sacrifices, tous faits depuis douze mois pour en arriver là ; je repense au ridicule de ceux qui s’annoncent comme étant « naturels », comme s’ils ne faisaient rien, qu’ils laissaient faire. Il n’y a décidément rien de naturel dans le vin, ni d’ailleurs de « bon » dans le « naturel ».

En passant ce matin au milieu de tant de vignes abandonnées, laissées à elles même et en train de mourir, m’est revenu le souvenir d’un texte brutal de Baudelaire; envie de le partager : « La nature n’enseigne rien… C’est elle qui pousse l’homme à tuer son semblable, à le manger, à le séquestrer, à le torturer ; car sitôt que nous sortons de l’ordre des nécessités et des besoins pour entrer dans celui du luxe et des plaisirs, nous voyons que la nature ne peut conseiller que le crime. C’est cette infaillible nature qui a créé le parricide et l’anthropophagie… C’est la philosophie, c’est la religion qui nous ordonnent de nourrir des parents pauvres et infirmes. La nature (qui n’est pas autre chose que la voix de notre intérêt) nous commande de les assommer. Passez en revue, analysez tout ce qui est naturel, toutes les actions et les désirs du pur homme naturel, vous ne trouverez rien que d’affreux… Le crime, dont l’animal a puisé le goût dans le ventre de sa mère, est originellement naturel. La vertu, au contraire, est artificielle, surnaturelle… Le mal se fait sans effort, naturellement ; le bien est toujours le produit d’un art… Bon, ça, c’est fait.

Les vins se carambolent, parfois en fin de fermentation, voire terminés et malo faite, parfois au debut, mais l’idée du millésime commence à se préciser, comme ces photos, au tout début d’internet, quand elles s’affichaient peu à peu, au fur et à mesure que le réseau arrivait à charger les données sur des modems 14.4 ko. Alors que la fibre est partout même à Vingrau, j’ai l’impression de passer pour un vieux c.. quand j’évoque cette époque, si loin, si près…25 ans. Ah, quand même.

Les blancs sont encore troubles, sur lies et vont le rester plusieurs semaines voire plusieurs mois, souvent « bâtonnés » pour les remettre en suspension, histoire de « nourrir » le vin, de lui apporter gras, texture, longueur. La 21 a une étonnante couleur (un pur jus de mangue), une texture dense et huileuse car elle commence à peine à fermenter; elle est riche en sucre (smoothie… mangue-passion) tandis qu’un arôme précis, encore jamais ressenti aussi puissamment dans un de mes vins, saute au nez : la… mangue. Ainsi doit s’accepter le mystère de la fermentation car, au final, le vin n’aura sans doute pas du tout cet arôme.

Marie, en alternance, goûte avec nous, tentant de mettre des mots sur ses sensations, encore trop jeune dans le métier pour savoir ce que nous lisons, nous, vieux briscards, dans ces vins troubles, rudes, ébauches de ce qu’ils deviendront peut-être, si nous réussissons l’élevage. Tiens, au fait, enfin des polos sympas pour l’équipe. Tout de suite, dans la cave, ça le fait…

Encore un peu d’espoir, avant un grand tour des vignes mais je crains que même s’il est bon, le grand vin de garde soit cette année encore, plutôt rare. Ce n’est pas l’abondance que nous espérions mais, comme tous les vignerons depuis que le monde est monde et que Noé a mis un sarment en terre, il faudra faire avec.

Ce que j’écoute, au jour le jour, pendant les vendanges. Mais pas tous les jours.

Mon ami Yvan m’appelle, toujours fidèle, toujours joyeux, toujours enthousiaste et me raconte l’ouverture d’un incroyable magnum de Petite Sibérie 2003 sur cette chanson, parfaite, parait-il. Bien sûr, alors, si c’est Freddy, ça sera youtube ou rien. Décidément, il n’y a pas de hasards.

3 commentaires

  • PAPEGAY
    13/09/2022 at 11:28 am

    Magnifique polo
    1 étoile comme  » champion du Monde ».
    Je plaisante quoi que.
    Espoir de vous voir 1 jour en Savoie.

  • damien
    13/09/2022 at 12:10 pm

    Magnifique polo!! Le grand Freddy Mercury pour un grand vin qu’est la petite siberie ,c’est un belle accord.

  • Patrice BONNET
    13/09/2022 at 6:40 pm

    Hervé, ce superbe polo du Clos des Fées qui en jette, on peut l’avoir ?
    Patrice 🙂

Répondre à Patrice BONNET Annuler la réponse

ABONNEMENT

Recevez les billets du blog dès leur publication. Et rien d'autre.

Archives