Nouvelle vie


Beaucoup d’entre vous le savent, François Berléand et moi, avons un jour, après un déjeuner à la maison généreusement arrosé (que du bon…), décidé de faire un vin ensemble.

Pas question pour lui de gagner de l’argent. C’était le préalable. On le fait pour nous, on en boit, on en offre, on en vend un peu et on reverse 20 euros par bouteille à de nobles causes agricoles, des paysans dans la peine, des débutants qui se lancent et se prennent les pieds dans des obstacles, climatiques ou autre. On les aide à franchir un mauvais pas. Pierre Arditi veut nous rejoindre, mais bon, je ne sais pas en fait… (Je plaisante, Pierre, je plaisante…)

Ca s’appelle «Entre Amis », c’est du vin d’homme, ne nous cachons pas la face, des trucs qu’on aimerait boire avec Lino Ventura, Jean Gabin et Bernard Blier… Comme aurait dit ma défunte et très regrettée amie Christine Valette, ce vin a du gourdin. C’était le bon temps…

Mais bon, maintenant, faut passer dans le dur, planter et c’est ce qu’on a fait l’année dernière. Une grande journée et le choix final sur deux petites parcelles, dans un endroit sublime, une en Syrah, l’autre en Cabernet-Sauvignon. Un vin d’homme, j’vous dit… Implantation parfaite et, en bon vigneron débutant, François est passé l’autre jour prendre sa leçon et planter ses premiers échalas. Bon, à 200, on l’a arrêté, il jouait le soir à Béziers.

Le deal, en fait, c’est que je lui apprenne un peu le métier de vigneron et que lui, il m’apprenne à jouer un peu la comédie. J’entends d’ici les jaloux et les vindicatifs ricaner : « au niveau comédie, Bizeul, pas besoin de cours…». Oh là, méchant camarade ! Raconter vaillamment sa passion pour le vin, faire vibrer les dégustateurs, donner du sens, oui, le vigneron doit savoir le faire. Mais jouer, sur une scène, devant un public, c’est bien autre chose.

Un jour à la vigne en échange d’un jour de cours, avec lui, au théâtre, à la maison, sur les plateaux de tournage. Un bel échange, un truc de compagnon, le plaisir d’être, tour à tour, le maître patient et l’élève attentif.

Bizeul, du théâtre ? La blague. Que nenni, faquin ! Dès le collège, déjà dans les jupes de la prof de français (qui me lit toujours je l’espère), excellent en rédaction mais nul en orthographe, je déclamais, un samedi après midi inoubliable (pour moi), en costume s’il vous plait, quelques vers chers à mon cœur :

« ALCESTE – Non, je ne puis souffrir cette lâche méthode

Qu’affectent la plupart de vos gens à la mode;

Et je ne hais rien tant que les contorsions 

De tous ces grands faiseurs de protestation, 

Ces affables donneurs d’embrassades frivoles,

Ces obligeants diseurs d’inutiles paroles,

Qui de civilité avec tous font combat, 

Et traitent du même air l’honnête homme et le fat. »

Ah, le Misanthrope. Ce sont ces vers et quelques autres qui, au moment du dessert (un formidable riz au lait, il faut le signaler), persuadèrent (par les sentiments, contrairement à convaincre qui utilise la raison) le si bon, si généreux François Berléand de l’échange. Il y eu quelque chose de Faustien, ce jour là, dans notre si joyeuse gaieté de buveurs, et je me souviens m’être endormi en mêlant son doux visage et celui de… Victor Hugo.

Après plus d’un an de labeur, c’est en avant première que je vous livre un scoop : je serai à ses côtés avec Sophie Marceau dans sa prochaine pièce, à la rentrée. Oh, un petit rôle, quelques répliques, celle d’un vieux majordome tentant de persuader son patron de ne pas commettre l’irréparable, alors même qu’il tente d’écrire une note d’adieu à son épouse.

L’affiche vient de m’être envoyée, je ne peux résister au plaisir de vous la montrer.

Bon, soyons honnêtes, il a fallu bien sûr franchir des obstacles, tant et tant qu’il serait ennuyeux de tous les raconter. Un jour, qui sait. Mais le fait d’être là, à ses côté, silencieux, alors qu’il faisait le casting, puis les premières lectures, tout cela a bien plu à Madame Marceau, qui m’a rapidement demandé de l’appeler Sophie, curieuse de connaitre la vie de cet homme-ours à l’oeil brillant et au physique rassurant. Ca c’est fait naturellement, à vrai dire, mais sans doute que ma joie de vivre naturelle a beaucoup compté dans sa décision. Que voulez vous, Alexandre Jardin a raison, il ne faut jamais désespérer de rencontrer l’âme sœur. Pour les horribles ragots et les photos volées, j’imagine que vous en aurez bientôt une indigestion.

Quand à Emmanuel Carrère, notre ressemblance physique est frappante, sauf que je mange et pas lui et cela tient à des secrets sombres et anciens avoués dans un grimoire enfermé dans un coffre jeté au fond d’un puits . Disons qu’il n’avait pas le choix, je sais des choses…

La vie continue, elle est merveilleuse. Ah, et les vendanges ? On verra bien, quand un tel « Kairos » se présente, il faut le saisir. En revanche, je serai sans doute remplacé dans la tournée, si la pièce fonctionne.

Attention, pas de bonne chance chez les acteurs, ça porte malheur, gaffe à vos commentaires !

9 commentaires

  • Brigitte Avrial
    01/04/2023 at 9:21 am

    Bonjour Hervé
    Nous sommes toujours ravis de lire ces pages d’écriture annotées de citations illustres (excellent en rédaction et en orthographe à présent )…Pourrons nous découvrir la cuvée Berléand Bizeul entre amis aussi ?Merci pour ce 1 avril

  • Wilfried
    01/04/2023 at 10:20 am

    Ça ne sentirait pas un peu le poisson tout ça ? Aujourd’hui je me méfie…

  • Venise
    01/04/2023 at 10:33 am

    Hâte de voir le spectacle

  • Francis
    01/04/2023 at 11:37 am

    …Latimeria chalumnae…

    • Levavasseur
      01/04/2023 at 11:53 am
  • Michel Smith
    01/04/2023 at 1:11 pm

    Merde alors !

  • Guyon de Chemilly Georges
    01/04/2023 at 2:08 pm

    Sacré Hervé , j’ai encore failli marcher cette année tant cette histoire est vraisemblable , et qui sait d’ailleurs ce que l’avenir te réserve encore ?

  • Jed Bartlet
    01/04/2023 at 5:02 pm

    Avec un autre metteur en scène, nous aurions pu y croire!

  • Bernard
    01/04/2023 at 8:40 pm

    Cher Hervé,
    Bravo pour ton inventivité et la crédibilité de ta prose !!! Cela s’accorde tellement bien avec la date d’aujourd’hui…
    Amitiés
    Bernard

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