Offre Primeur millésime 2022


«Il suffit d’abaisser notre prétention à dominer la nature et d’élever notre prétention à en faire physiquement partie, pour que la réconciliation ait lieu». Françis Ponge

Chers Amis,

J’ai souvent, cette année, réfléchi à cette phrase de Francis Ponge. Elle résume une sorte d’idéal qui est le nôtre au Clos des Fées, sachant bien sûr comme tout idéal que nous ne l’atteindrons jamais. Mais nous « tendons vers » une viticulture unique, en « clairière », où plus de 150 parcelles de vignes sont enchâssées dans la forêt, la garrigue, entourées de fossés et de murs, de jachères mélifères ou de prairies permanentes.

Mais que faire quand cette nature semble nous rejeter, qu’elle ne veut pas de nous ? En 2022, nous sommes passés d’un climat de type méditerranéen à un climat de type marocain et, si la pluie ne vient pas, bientôt sahélien avec moins de 200 mn de précipations par an. A ces niveaux de sécheresse, la vigne peut mourir.

Pourtant… les vins sont délicieux. Bon, rares, ne nous leurrons pas, si l’on veut maintenir l’excellence. Mais puissants, colorés, élégants et surtout frais et tendus. Je pense de plus en plus que le pH du vin est la clé des grands vins rouges et que tout le travail de comprenhension et d’aide envers la nature est la raison de ces équilibres gustatifs qui font toute la différence.

Accepter ce que l’on ne peut comprendre, accepter que tout ne peut ni ne doit toujours s’expliquer, voilà bien, en ces temps troublés, ce que j’ai envie d’écrire au fronton de notre hangar à tracteur, comme Montaigne gravait les poutres de son cabinet de travail.

Nous voilà désormais en première ligne, dans la tranchée qui fait face au dérèglement climatique. Pourquoi les vins alors sont ils si bons ? Parce que nous sommes aussi les mieux armés. Depuis toujours, le fameux stress hydrique de l’été est une coutume. Si long, si sec, si régulier, sans doute pas, mais depuis des centaines d’années, le vigneron s’est adapté, a raisonné les densités, a privilégié les tailles courtes économes en eau, en particulier le gobelet et l’effet parasol de son feuillage à port dressé. Les vieilles vignes, même si elles produisent très peu, font la différence grâce à leur enracinement profond : parfois plus de 3 mètres pour la racine pivot.

Nous nous sommes adaptés, depuis lontemps, sans doute davantage préparés que certaines régions habituées à des pluies régulières, qui souffrent plus que le Roussillon.

Nous agissons, aussi : semis d’hiver pour fixer l’azote de l’air et augmenter les taux de matière organique, labours de plus en plus légers (on devrait parler de gratouillage plus que de labour…), apport de compost sur mesure adapté à chaque situation; analyse de sarments, de pétioles, de feuilles pour voir ce que la vigne a métabolisé et de quoi elle va manquer; apports de compléments en oligo-éléments voire de compléments foliaires personnalisés pour lui apporter ce qu’elle ne peut, faute d’eau, tirer du sol. 

Comme chaque année, j’ai tenu un journal de vendanges, pour vous et pour transmettre aux enfants, il est toujours en ligne sur le blog du Domaine. Je dois être le dernier vigneron à en écrire un… Je ne vais donc pas revenir sur ces vendanges complexes et qui n’en finissaient pas. Nous travaillons par passion, ne comptez pas sur moi pour tenter de me faire plaindre.

Plus que jamais, la détermination du « jour J» est le facteur de qualité le plus important. Pour chaque cuvée, en fonction du profil de vin que l’on rêve, il faut accélérer ou attendre (vendanger la nuit, souvent, pour les Sorcières) goûter, goûter, encore et toujours goûter les raisins pour tenter de saisir ce moment précis où le raisin est mûr mais pas trop, où il garde fruit et fraîcheur. 

Étonnamment, la récolte est un peu meilleure en volume que 2021 (qui tient toutes ses promesses et qui sera mis en bouteille en juin). Cela m’ammène à penser qu’une sécheresse de printemps est plus grave que celle de l’été. La pluie de mars, il y a dix jours – dont vous avez sans doute entendu parler car elle suivait une procession religieuse qui a été largement commentée dans la presse – est donc de bon augure pour 2023.

Les vinifications ont été d’une rare complexité, pas question de le cacher.

Vous l’avez sans doute souvent entendu, les vignerons aiment à raconter que tout se fait à la vigne et que si le raisin va, tout va. Une sorte de mythe où la nature serait à notre service, qu’il suffirait de la laisser faire. Dans un monde fantasmé et romantique, qui sait ? Mais dans la réalité, il fallait en 2022 surveiller les vinifications comme le lait sur le feu, un oeil sur les analyses, une autre sur le cœur pour laisser les raisins s’exprimer et saisir l’esprit du millésime.

Je n’écris jamais mon offre primeur avant que les vins ne soient clairement en place et mon courrier tardif s’explique par deux ou trois arrêts de fermentation en fin de fermentation alcoolique. Les vins sont désormais secs, les levures ayant décidé en mars de se remettre à travailler, comme c’est souvent le cas au printemps.

IMPORTANT

«  On marche sur la lune » … Peut-être avez vous vu la sortie de Xavier Niel au Sénat dont un des membres lui reprochait les prix trop bas de ses forfaits et sa décision de ne pas augmenter. Ne nous leurrons pas, tout augmente chez les fournisseurs du Clos des Fées, les salaires (et j’en suis ravi), l’énergie, et surtout, les matières sèches. Mais nous avons les moyens de travailler comme nous le voulons et pas question de gagner plus sur le dos des amateurs de vin. Donc la nouvelle, c’est que Xavier Niel et moi, nous n’augmenterons pas les prix cette année. L’effort de notre part est TRES important, n’en doutez pas, mais il n’est pas question d’évoquer l’inflation pour dégager des bénéfices hors normes, comme d’autres le font. « Mieux vaut bonne renommée que ceinture dorée », disait ma grand mère. Où qu’elle soit, elle doit être heureuse de voir que ses préceptes humanistes ont fleuri.

Quelques précisions sur l’offre primeur : pas de Faune blanc cette année, le sémillon n’aime pas la sécheresse. C’est la vie. Peu de « Aimer Rêver… » et donc un achat en primeur indispensable si vous voulez profiter du charme de ce pinot noir.

Et les vins dans tout ça ? Je viens de goûter à l’instant le Vieilles Vignes en élevage, et bien je n’ai pas pu recracher : fruit, fraicheur, énergie, trame tannique équilibrée et soyeuse, vin déjà très en place, il va s’étoffer en élevage et en bouteille pour en faire ce vin transgénérationnel que j’aime tant. Les lots de Syrah du Clos des Fées sont denses, avec des tannins serrés, très septentrional dans leur structure et leur côté racinaire. Les mourvèdre sont en pleine prise de bois, droits, longs, impressionnant de longueur. L’assemblage est un grand millésime de Clos des Fées, nous pourrons en garder un peu, je l’espère. Il me survivra. La petite Sibérie est dans sa phase charmeuse,  et l’on serait tenté de mettre en bouteilles ce coulis de framboise vanillé et d’une longueur immense, ce qu’il ne faut bien sûr pas faire tant l’élevage est important dans cette cuvée. Goûté les 2003 au salon Vinapogée, c’était clairement le « wine of the show ». Quel vin…

Comme chaque année, nous vous offrons la possibilité de réserver aussi des « grands formats », magnums, 3 litres et 6 litres, sans supplément de prix. Ces bouteilles sont « hors commerce ». Idéal pour marquer la naissance d’un enfant, coutume française que nous soutenons avec bonheur.

Le mieux est bien sûr et toujours d’utiliser notre boutique en ligne :

http://www.lapetiteepicerieduclosdesfees.com

En vous remerciant par avance pour votre soutien et votre commande, dans l’espoir du plaisir, un jour, de vous recevoir au Domaine.

Hervé Bizeul

4 commentaires

  • GUY GROSS
    03/04/2023 at 7:11 am

    Toujours étoffés intéressants les commentaires de l’ami BIZEUL !!! Merci à toi
    Guy

  • Fabien
    03/04/2023 at 10:19 am

    on y apprend à chaque ligne… la classe…

  • jacques rambaud
    04/04/2023 at 8:56 am

    Trés beau texte, qui donne l’envie de gouter , mais il faut savoir attendre.
    Merci pour tout

  • Yann-Patrick MASSABIE-BOUCHAT
    11/05/2023 at 10:51 am

    Merci de partager votre très belle manière de voir les choses !
    Nous venons de déguster, peut-être un peu tôt, votre IGP du « faune » 2017 et il nous a ravi !
    Recevez nos cordiales félicitations !

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