Vendanges 2023 – J+21 – Assumer son cœur d’artichaut

Cabernet-Franc le matin, Merlot l’après midi. Beau programme.

Hier, je suis monté en vélo jusqu’à la parcelle, savourant la beauté de la vallée nord au coucher du soleil. La falaise est fascinante. Quelle que soit la saison, quel que soit le temps. Enfin, je la trouve fascinante. Si elle l’était pour tout le monde, sans doute cette vallée, si prospère jusqu’aux années 50 serait-elle encore cultivée. Nous ne sommes plus que quelques vignerons de Vingrau. Vu la pente et la situation des coopératives, je comprends.

J’ai passé un long moment dans la parcelle, en pensant à Denis Durantou, qui m’avait gentiment vendu un petit lot d’une sélection massale de Cabernet-Franc de l’église Clinet. Il est mort. Trop tôt, trop vite. Il me manque et je pense souvent à lui. Il semble oublié de tous, même si les vins qu’il a faits sont encore loin d’avoir été tous bus. C’est la vie. Le vigneron s’efface derrière son cru, comme l’immense majorité des êtres humains.

C’est l’histoire de la vie… «Ingonyama, Nants ingonyama bagithi baba » etc… Je vous ai dit au fait que le site du Clos des Fées est en Swahili, la langue des zoulous ? Vous savez, Hakuna Matata ? Le Roi Lion ? Je suis cinglé ? Je sais, je sais. Mais jettez un oeil ICI si vous ne me croyez pas.

Bon, si le souvenir de Denis s’efface, les vignes qu’il a plantées lui survivent et un peu de lui repose sous cette falaise. Il y est bien. Nostalgique, ce soir, le Bizeul. Je repense à Michel Betanne, qui m’a conseillé de le contacter car il n’y avait à l’époque rien en clones de Franc, à Michel Rolland qui m’a envoyé une photo du Bon Pasteur de l’avant guerre avec tous les merlot en échalas, histoire de me persuader d’y aller. Des rencontres, des hasards, comme toujours, des synchronicités et aujourd’hui sans doute la seule vigne de Cabernet-Franc en échalas en France.

Le gobelet lui réussit assez bien, faut l’avouer. On l’a effeuillé il y a deux semaines, plus pour faciliter la récolte qu’autre chose. On a fait tomber quelques grains, sorte de visite pré-nuptiale chez l’esthéticienne. Le soleil n’arrive plus ici que vers midi, l’ombre portée de chaque cep protège son voisin, aucun risque de brûlure , donc.

La massale, c’est bien mais bon, un pied donne trop de raisins et l’autre pas assez. L’un est long, l’autre large, l’un vigoureux, l’autre chétif. Un peu comme nous.

Certains vivront vieux, d’autres sont déjà morts. Tous ou presque sont court-noués, mais bon, c’est ma faute, je n’avais à l’époque pas trop le choix. Faudrait que je replante. La vigne est en pente, le nématode suit l’eau, et donc, dans dix ans, la vigne produira peu ou plus. C’est déjà le cas du haut. En bas, ça va encore.

N’allez pas fantasmer, vu la taille des baies, en hl/ha, on ira pas loin. Mais c’est trop beau.

Le pédoncule du Merlot rougit, comme le Carignan. On va faire une bombe. Ca pourrait s’apeller Mulet Rouge ? Mais nos amis de Cheval-Blanc me feraient un procès, c’est sûr. Je plaisante Pierre et Pierre Olivier, je plaisante, vous n’avez rien à craindre. Un petit fight, sur cinq ans, à l’occasion, entre nous ?

Bon, pas de photo du Merlot. On va le mettre en coma artificiel pendant 12 mois, en espérant qu’il va se remettre de cet accident de la vie que fut 2023 pour lui. «Rien à tailler, m’a dit Serge, année blanche l’année prochaine si on veut faire du bois ». J’avais pensé la même chose, il y a une semaine, et puis, j’ai espéré. Touché.

L’égrappage est compliqué, on est à la taille « plomb de chasse ». Dingue.

Bon, voilà, niveau émotionnel, je décroche un peu. En préparant ce billet, ce soir, j’avais clairement quitté mon cerveau gauche, analytique et organisationnel pour, pendant les vendanges, me laisser dominer par le droit, émotionnel. Je sais, c’est un mythe, inutile de perdre votre temps à commenter. Mais ça me correspond. Ce n’est sans doute pas de la science mais « une réalité observable » comme me l’a défendu l’excellente C.

Je traine sur insta, tombe sur cette vidéo thaïe qui me fait couler une larme. Mon cœur est ouvert. C’est les vendanges. Demain, tout ira mieux.

Ce que j’écoute, au quotidien, au jour le jour mais pas tous les jours…

Ce matin, ce sera sur YouTube ou rien Set incroyable de Two Lanes à Warsaw, Pologne. Encore un concert où j’aurais aimé aller…

La citation du jour, mais pas tous les jours…

« N’ayez pas peur de la perfection, vous ne l’atteindrez jamais. » Salvador Dalí

P.S. : la photo de Dali est une des formidables faites par un photographe d’ici, Hervé Donnezan. Son site est LA et les tirages raisonnables.