2024 – Janvier – Miscelánea


JANVIER – 1 – Jean-Pierre Coffe me manque. Souvent. Nous avons passé bien du temps ensemble, je dirais 70 % à travailler, 20 % à boire et à manger (de l’œuf à la coque de ses poules parce qu’il n’y avait rien d’autre dans son frigo au déjeuner pantagruélique à boire comme des trous ) 10 % à nous disputer, surtout quand nous écrivions ensemble « Le marché».

il était dans la vie comme à la télé, brillant, têtu, intransigeant, d’une fidélité en amitié digne d’un personnage mythologique, rusé comme Machiavel, séducteur comme Casanova, manipulateur comme Mazarin. Mais c’était mon ami et il me manque. L’impact qui a été le sien sur le retour de la France sur les places de marché avant de re-passer en cuisine a été bien trop vite oublié. Un million d’exemplaires du «Goût Juste», qui s’en souvient ? Et pourquoi personne n’a repris le concept « des quatre repas pour quatre personnes » le week-end ? Dommage.

Le 1er au matin, j’ai donc fait des œufs coque comme il me l’a appris. Deux oeufs de poules dont on connait le prénom, un grand saladier dans lequel on les dispose avec amour, de l’eau à 100° dont on les baigne (au moins 1,5 litres), une assiette dessus pour garder la chaleur, 5 mn, voire 6. Rien à voir avec tous les œufs à la coque que vous avez pu manger avant. Chaud, liquide, figé juste ce qu’il faut, sans excès. Dans ce livre que je n’écrirai jamais, le héros descend parfois dans un palace ami, on a noté le recette dans sa fiche et on les lui prépare comme ça, sans lui demander. Il les goûte et sourit au maitre d’hôtel, qui lui rend son sourire. La vie, la vraie, celle du service donné et apprécié.

JANVIER – 2 – Les milliardaires ne sont pas souvent généreux. Enfin dans leur cave ou dans le monde du vin. Dans le reste de leur vie, j’en connais peu. S’ils donnent, c’est sans doute anonymement, alors, ne jugeons pas. S’ils sont radins, c’est sans doute pour cela qu’ils sont milliardaires, disait ma grand-mère. Je suis triste pour eux. Je pense que l’on n’est riche que de l’argent que l’on dépense et que seule la générosité, intelligente, énergique, réfléchie, fait que l’on est heureux, avec en prime l’impression de se réaliser, d’avoir réussi sa vie. J’aime bien la fondation de la 2ème chance de Vincent Bolloré (« je suis devenu scaphandrier après une première vie de comptable… yes ! ») et je suis étonné que pas plus de vignerons ne s’en servent pour rebondir après un échec. A une époque de ma vie où je fus à 24 heures de finir SDF (Nadia, je n’oublie pas…) ça aurait pu m’aider. Autre preuve de générosité qui vient contredire mon propos, je suis tombé par hasard sur le site d’Artémis Domaine et j’ai été bluffé par leur idée de mettre en consultation libre leur base de connaissances. C’est ICI, ça s’appelle Œnopedia et vraiment, pour un pro ou un grand amateur c’est le rêve tellement c’est bien fait et en même temps abordable. A feuilleter, a mettre en favori si une question vous taraude, dans le domaine du vin et sur le plan technique. Bravo ! Merci !

JANVIER – 3 – « Bravo, Merci, Pardon ». Depuis toujours mes enfants me voient tenter de leur faire entrer dans la tête que ce sont les trois mots les plus importants à connaitre et à pratiquer (surtout pratiquer, l’enfer étant pavé de bonnes intentions…, encore ma grand-mère) pour être libre et heureux, dans toutes les langues du monde. Du coup, grâce à ChatGPT, voilà en 10 langues parmi les plus utilisées dans le monde, ce qui fera office de vœux, les usages veulent qu’il est encore temps :

  1. Anglais : Thank you, Excuse me/Sorry, Well done
  2. Espagnol : Gracias, Perdón, Bravo
  3. Chinois (Mandarin) : 谢谢 (Xièxiè), 对不起 (Duìbùqǐ), 好极了 (Hǎo jíle)
  4. Hindi :  धन्यवाद (Dhanyavād), क्षमा करें (Kṣamā kareṁ),  बढ़िया (Baṛiyā)
  5. Arabe : شكراً (Shukran), عذراً (‘Aẓrā), برافو (Bravo)
  6. Russe : Спасибо (Spasibo), Извините (Izvinite), Молодец (Molodets)
  7. Portugais : Obrigado (masculin) / Obrigada (féminin), Desculpe, Bravo
  8. Bengali :  ধন্যবাদ (Dhonnobad) ক্ষমা করুন (Kshama korun) ভালো (Bhalo)
  9. Français : Merci Pardon / Excusez-moi Bravo
  10. Swahili : Asante, Pole, Hongera

La bonne nouvelle, le français est 9ème. La mauvaise, on va bientôt quitter le top 10. Pas bon pour le vin.

JANVIER – 4 – WhatsApp m’invite à rejoindre un groupe, anonyme, pour faire du Padel, au Maroc. Bizarrerie du monde moderne. Je réponds oui, bien sûr, mais me voilà aussitôt rejeté du groupe. Mince ! Mais du coup, l’envie de désert me prend. A quoi bon : il ne pleut toujours pas et, à ce train, le désert que l’on m’annonce va venir à moi si je ne vais pas à lui.

«Assouf», c’est la mélancolie, le regret et la douceur du regret en Tamachek, la principale langue des Touareg. En écoutant Tinariwen, je me revois rouler vers le sud il y a quelques années, au milieu de champs de roquettes sauvage fraichement éclose, puis dans le désert profond. Allez, un peu d’auto-promo et cadeau pour quelqu’un qui aime le bleu…

Très bonne émission sur France Inter, ICI sur le blues du désert. Et, oui, ce nouveau format, c’est multi-média…

Les vignes ne survivront pas toutes à une troisième année sans eau. Les arbres cultivés non plus et, dans les vergers d’abricotiers ou de pêchers, beaucoup sont déjà morts. La garrigue est en grande souffrance et les quelques cèdres qui avaient poussé par çi, par là, sont morts et tendent leurs branches sèches vers le ciel. « Accepter ce qu’on ne peut changer », plus facile à dire qu’à faire. Cela va demander une grande force de caractère. Arracher une vigne encore dans la fleur de l’âge, parce qu’elle meurt de soif et de faim, c’est (un peu) comme la mort d’un enfant avant soi, une insulte à l’ordre naturel des choses.

JANVIER – 5 – 2 janvier et déjà la LCBO, le monopole de l’Ontario, province du Canada, me propose de participer à un appel d’offre pour 4 000 caisses minimum de vin à… 4 euros maximum. Pour arriver à participer à la dégustation (les acheteurs ne se déplacent même plus dans le vignoble, il demandent à des rabatteurs de faire le travail à leur place), il faut commencer par payer 200 euros puis participer à un parcours administratif qui relève de la psychiatrie. La commission d’un agent (obligatoire), les promotions (achat d’espace) acceptées d’office avant même d’en savoir les conditions, des délires de palettes CHEP, un système de consigne hors de prix et impossible à souscrire pour un vigneron indépendant, bien sûr une mention bio si possible et des articles de presse car mieux vaudrait avoir de l’image, ça va compter. Un seul nom à ce genre de proposition indécente : le baiser de la mort (pour rester poli…). Quitte à mourir, autant le faire avec fierté, tel Jean de Florette. Je passe mon tour.

JANVIER – 6 – « En 2024, nous aurons à accélérer encore nos efforts et simplifier drastiquement la vie de nos entrepreneurs, de nos agriculteurs, de nos commerçants, de nos artisans ». Cette phrase de notre président lors des ses vœux résume cruellement la situation. Montée des eaux, dérèglement climatique, sécheresse, inondation, pollution, virus, immigration incontrôlée, abrutissement des enfants par les écrans et bien, étrangement… tout cela ne doit pas nous faire peur. Notre société s’effondrera avant par le poids de son administration, des 80 000 pages de circulaires envoyées aux préfets chaque année, au nombre toujours plus grands de domaines, même les plus intimes et privés, dans lesquels l’administration, au pouvoir toujours plus important, met son nez et dicte ses règles, faisant fi de tout libre arbitre. Et voilà que nous allons sans aucun doute appeler à un état plus autoritaire, alors même que la Russie, qui glisse doucement dans le totalitaire, nous éclaire un chemin, que nous prenons, en tournant soigneusement la tête.

Dans le vin, c’est la nouvelle réglementation sur les étiquettes qui va nous obliger, encore, à tout changer sur nos bouteilles, pour mettre des QR codes que personne ne lira. Des millions et des millions d’euros de frais supplémentaires, de nouvelles peurs (du gendarme, de mal faire, de se tromper), qui s’ajoutent à un millefeuille administratif clairement pire que tout ce que vous pouvez imaginez. Mais l’envie de faire du vin a quelque chose de primordial, un peu comme la reproduction, je finis par le croire. Le plus étonnant (et tragique), c’est que beaucoup de vignerons ne respectent rien, restent en dessous des radars, dans la liberté du Vin de France et des petits volumes qui décourage l’administration de les contrôler, sachant qu’il n’y a pas de gras et qu’ils ne paieront même pas les amendes. Mais notre président pérore. Tout énarque qu’il soit, je ne suis pas certain qu’il imagine même combien son administration est lourde, combien son poids décourage, dans la vigne, dans la cave, dans le social, dans le commerce, dans la gestion. S’il pouvait au moins arrêter de nous prendre pour des imbéciles et se taire, ce serait un premier pas.

Vitisphère me demande mon avis et l’article buzze et les merci affluent. Apparement, j’ai touché un point sensible. L’article est ICI.

JANVIER – 7 – « Vis chaque jour comme si c’était le dernier », dit le proverbe. Pour la Suédoise Margareta Magnusson, cela signifie… ranger. Dans son livre intitulé « La vie en ordre – L’art de ranger sa vie pour alléger celle des autres », l’autrice suédoise désormais âgée de 88 ans donne des conseils sur la façon de mettre sa vie en ordre. Un concept qu’elle appelle le « döstädning » – un mélange des mots suédois « dö », la mort» et « städning », le ménage. Découvert le concept sur Instafram. Puis l’ai trouvé sur l’étonnant et fascinant blog de… Volvo Suisse. Un vaste gloubi-boulga comme je les aime, imaginé par un doux dingue ou un génie, parfaitement réalisé par une équipe qui a tout compris du monde d’aujourd’hui. C’est une mine de joie, de créativité, de beauté, d’art, d’intelligence et de grand nord. Brillant. C’est ICI.

Bref, voilà, à peine découvert, je me rends compte que sans le savoir, je pratiquais (à petite vitesse, hein..) le döstädning. Autour de la parcelle « originelle » qui m’a attiré dans ses filets il y a vingt-cinq ans, je me dépêche de remembrer, de sculpter le paysage, de laisser les bois intacts et la forêt profonde, ou de créer des clairières, de redéfinir les perspectives, de créer des sentiers qui lient des paysages ou de volontairement en faire des cul de sac qui obligeront à des retours en arrière. La mort ne me fait pas peur mais je lui demande avec ferveur de me laisser terminer. Si vous la croisez, intervenez en ma faveur, s’il vous plait.

La citation qui m’a fait sourire en janvier : « L’important, pour moi, est de construire quelque chose pour de vrai. » Ulrika Lundgren

Ce que j’écoute en écrivant ce blog. Sur DEEZER, sur SPOTIFY, sur YOUTUBE.

Et pour ceux qui maitrisent mal le touareg, la traduction des paroles : «Je suis un voyageur dans le désert solitaire – Ce n’est rien de spécial – Je peux supporter le vent – Je peux supporter la soif – Et le soleil – Je sais comment avancer et marcher – Jusqu’au coucher du soleil – Dans le désert, plat et vide, où rien n’est donné – Ma tête est alerte, éveillée – J’ai grimpé et redescendu – Les montagnes où je suis né – Je sais dans quelles grottes l’eau est cachée – Ces soucis sont mes amis – Je suis toujours en bons termes avec eux et cela donne naissance aux histoires de ma vie – Vous qui êtes organisés, rassemblés, marchant ensemble main dans la main, vous vivez un chemin dépourvu de sens – En vérité, vous êtes tous seuls.»

2 commentaires

  • Sébastien
    29/01/2024 at 12:07 pm

    Merci pour ce moment hors du temps… Une lecture qui amène à sortir de ma réalité… ça fait du bien…
    Sébastien

  • Marion
    30/01/2024 at 11:28 am

    Bien agréable de vous lire et bravo pour ces liens interactifs qui nourrissent et illustrent vos propos.
    Bravo, merci et continuez

Laisser un commentaire

ABONNEMENT

Recevez les billets du blog dès leur publication. Et rien d'autre.

Archives