Retour de Vinexpo – 2ème


Ce soir, soirée de clôture et fête de la fleur à Bordeaux. Enfin je crois.

A l’heure où les jolies femmes en robes longues et les hommes élégants en smoking remonteront l’allée de je ne sais quel château, déjà célèbre à une époque ou ma (nos ? ;-)) familles vivaient sans aucun doute sur des sols en terre battue ;-), je serai en train de lire à Gaspard son histoire du soir, pleine de chevaliers, de princesses, de dragons. A moins que nous avancions sur les viking ou reprenons les petites poules;-).

Je suis jaloux, je l’avoue. Oh, pas d’y être, rassurez vous. J’ai longtemps refusé d’y aller à une époque où l’on m’y invitait, puis, ma propension à dire ce que je pensais devenant célèbre, je ne fut rapidement plus invité, voire boycotté, sauf par quelques amis chers, plus attirés par ce que j’étais que par ce que je pouvais leur apporter. Non, je suis jaloux parce que, bien sûr, je n’aurai jamais, du moins dans cette vie que je crains de plus en plus être la seule, les moyens financiers d’organiser une telle fête. Ça m’aurait bien plus, pourtant ;-) De toute façon, si un jour, ayant un soir « gagné des millions » grâce à un questionnaire exclusivement dédié au vin et à la nourriture, j’en eusse les moyens, « l’intelligentsia du vin » n’y viendrai pas. Simplement parce que ce serait dans le Roussillon. Et la qualité du vin ou le bon goût de la fête (vous pouvez me faire confiance ;-) n’y changerai rien. POurtant, unbanquet à la Kierkegaard, avec un peu plus de monde, ça m’aurait plus, un jour…

J’ai récemment été un peu injuste sur le blog de Jean-Luc Thunevin avec Michel Bettane, lui reprochant de ne plus être souvent dans les vignes et plus dans les châteaux, suite à son affirmation un peu rapide qu’il n’y avait « plus de grands terroirs à découvrir ». J’ai raison, sans doute, sur le fond. Mais il n’a pas à être le bouc émissaire d’un problème plus profond, d’une situation dont il n’est ni responsable, ni coupable, ayant fait à son heure tant et plus pour les vignobles émergents et continuant à le faire même si, en temps que vignoble émergent, j’aimerai qu’il en fasse encore plus, bien sûr ;-). Hier, en écrivant le billet sur Vinexpo, je me suis dit que certains pouvaient y lire entre les lignes une critique un peu simpliste, comme il en fleurit en ce moment sur tous les forum du (petit) monde viticole sur la fameuse « indépendance » du journaliste. Qui a des amis. Qui a des intérêts. Qui est indépendant. Qui ne l’est pas. Qui a les moyens de payer ses bouteilles (c’est clair, personne…) ou ses voyages (pas grand monde, c’est clair aussi et ça ne s’arrange pas) ou ses diners ou ses hôtels. Que m’importe, à moi, de toutes ces attaques nauséeuses, haineuses et vindicatives qui ne font rien avancer et surtout pas l’essentiel : ou un journaliste goûte bien, ou alors, mieux vaut peut-être qu’il soit malhonnête pour que l’on ait au moins le prestige de l’étiquette ;-)

Le problème n’est donc pas que les journalistes soient nourris, logés, abreuvés et flattés mieux qu’on ne l’est à Kobé ;-) Le problème c’est le lendemain, au réveil, quand, fatigué, le journaliste perd son âme de conquistador et n’a plus l’envie ni la force d’aller voir les petits stands mal foutus du bord du lac où l’on regroupe à Vinexpo ceux qui n’ont pas trop de sous; de s’engouffrer avec passion dans la jungle du stand de l’entre deux mers à la recherche d’une pépite, d’un diamant qu’il mettra, enfin, en lumière; de se jeter à corps perdu dans la rencontre bienveillante de tous ces producteurs du monde, d’ici ou de bien loin, qui, de plus en plus tristes au fur et à mesure qu’avance le salon, s’étonnent de ne pas avoir vu un seul journaliste curieux et affamé de qualité.

J’aime Bordeaux, j’aime les grands Bordeaux quand ils sont grands, les petits quand ils sont petits. J’ai plus de mal avec les grands qui sont petits mais c’est pas le sujet ;-) J’admire, tout en en subissant, bien indirectement, les amères conséquences, la stratégie bien réglée de toute une région qui fait venir à sa porte le monde entier pour l’écraser, fort intelligemment (enfin pour l’instant…) de sa puissance et de son faste, fatiguant journalistes et acheteurs par des avalanches successives de bons moments, de grands moments, de vrais moments même, parfois, pour leur ôter toute envie d’aller voir ailleurs, de se révolter, de continuer à montrer du doigt ce qui doit être montré du doigt et de comprendre que leur rôle est certes, sans aucun doute, de célébrer les grands vins d’hier mais aussi de mettre en lumière les grands vins de demain. Et puis aussi de s’occuper des petits vins, des bons vins, de ceux que recherchent les gens normaux qui ont une vie normale.

« Dès leur arrivée, la magicienne les accueille, leur offre un cycéon, breuvage magique et sublime, leur offre mets délicats et fêtes sublimes. Mais très vite, elle les transforme… » J’ai beaucoup pensé, en rentrant, au mythe de Circé (Κίρκη, comme dit Fako ;-), lu justement dernièrement à mon fils, un soir, pour ce qu’il conseille aux hommes de ne point se fier aux apparences et de chercher la vérité au delà de celles ci.

Il y a de grands vins à Bordeaux. Sans doute plus qu’ailleurs. N’oublions pas qu’il y en a aussi ailleurs.

P.S. : chère Iris, si tu veux être, comme d’autres lecteurs, derrière le miroir et comprendre ce qu’est une grande fête bordelaise, rien de mieux que le fabuleux billet de mon co-lauréat du prix du meilleur blog. C’est ICI. C’est grandiose.

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