Vendanges 2014 – J+4 – L’année des terroirs chauds


Voilà, on a commencé au Clos des Fées. Et on s’est arrêté tout aussi sec.

Las Bourgueras, c’est notre terroir le plus précoce, le seul sur schistes qui entre dans le Vieilles Vignes. J’ai acheté cette vigne il y a longtemps, pour faire plaisir à un ami. Quand j’y repense, je me demande bien pourquoi et, honnêtement, ce fut une erreur. C’est super loin, le chemin pour y arriver est défoncé et ne s’améliore pas, c’est sur une butte dévastée par le vent, c’est sec de chez sec et quand il pleut, c’est en excès car toute l’eau du voisin de jette sur la parcelle. Bon j’étais jeune, romantique, je croyais que plus on souffrait, plus le vin était bon. Que plus il était bon, mieux on le vendait. Qu’il y avait une justice, quoi, un grand architecte. J’essai doucement d’expliquer que non, la marmotte, elle met pas le chocolat dans la papier alu à ceux qui viennent me voir, Don Quichotte en herbe, «Croisés» en partance pour la terre promise, sans grand succès, saumon allant à la source quitte à en mourir. Rares sont ceux qui m’écoutent. Bon, je dérive, encore et toujours.

La parcelle, parlons en… C’est Ugly Bourgueras. Bon, il y a un semblant de cazot, que j’ai jamais eu le temps de déblayer, un beau cyprès, que j’ai un peu chauffé, la première année, en faisant un feu pas loin. Autour, cinq petits bouts genre 20 ares, 30 ares, 50 ares. J’en ai replanté plus de la moitié en Syrah, à l’époque, j’avais un peu que ça au niveau terres, et en clone 174, hyper qualitatif, ce qui fait que la moitié de la moitié ne fait pas un raisin, parce qu’en plus je l’ai mis en gobelet. Un gouffre financier. J’y ai replanté un bout de Grenache, aussi, qui lui, s’y plait, un clone classé B qui semble à l’aise même si faute de nourriture et d’eau, il n’est pas bien gras… Il reste un bout de vieille Syrah, maltraitée par son ancien propriétaire, qui fait pitié (j’ai bêtement fait les manquants, qui végètent) et un bout de grenache noir, moribond. Bref, tout cela date d’avant, quand je traitais à l’atomiseur avec mon cher Yves, mon premier complice, en 1998. Je vous ferai une photo de Yves, tiens, un de ces jours. Il a un t-shirt top. Puisqu’on en entre nous, j’ai l’impression d’avoir fait sur cette parcelle toutes les erreurs du débutant. Finalement, elle m’a servi, quelque part, si on veut vraiment rester zen.

Faut dire en plus, qu’entre Tautavel et Maury, la parcelle est chaude, très chaude, précoce, fait du bon vin en quantité a faire éclater de rire un gars de Béziers mais des degrés de fou, donc, compliqué. On s’en occupe pas vraiment bien, c’est pas notre préférée, et c’est pas là que je mettrai un panneau  avec le nom du domaine. De toute façon, c’est tellement paumé que personne ne passe par là. On fait le service minimum. C’est syndical.

Là, au premier plan, c’est le dernier bout de quinze ares de Carignan, dont je vous avais pas parlé. Vieux, pantelant, avec du blanc au milieu du noir. Toute une époque…

Tout ça pour dire que sous l’averse, l’autre jour, je ne m’attendais, comment dire… à rien.

Et bien… Super raisin. Vous vous souvenez la pluie en juillet aout ? Et bien sur ces terroirs chauds et caillouteux, super drainants, la pluie a fait un bien fou ! Les Syrah sont parfaites, les grenache croquants, les Carignan étonnement avancés, avec ce côté « bonbon fondant » que j’aime tant. Peut-être, finalement, Jean-Michel Deiss a t’il raison quand il dit que les cépages différents, plantés côte à côte, s’influencent…

Il était temps d’ouvrir la cave du Clos des Fées, dans mon petite garage, avec mes petites cuves et mes petites pompes (faudra que je vous raconte une histoire qui m’est arrivée en Suisse il y a quelques années…) et d’y remplir la première petite cuve. C’est fait. C’est le seul terroir que nous vinifions « grains mêlés » récoltés en même temps : Syrah, Grenache, Carignan. Normalement, entre une Syrah et un Carignan au même endroit (si tant est qu’on les plante au même endroit), comptez trois semaines d’écart. Et là, et bien la Syrah est un peu mûre, le grenache croquant, le Carignan fondant. Alors je le sens bien comme ça. Zou, tout le monde dans la cuve.

Petite photo d’un Carignan sous l’ondée, jeudi. Ce matin, c’était top. 1, 8 hectares en tout. 25 à 30 hecto de vin fini, je pense. Quand on dit qu’on a du raisin, ici, il faut lire « du raisin POUR le Roussillon».

Bon, première journée de combat pour moi, dans le sens physique du terme. C’est le soir. La cave est propre, calme, silencieuse. Je suis allé m’allonger un peu par terre (rien de mieux) sur mon tapis tibétain et là mon corps s’est mis en alerte rouge me criant que j’avais trop forcé, trop porté, trop poussé, trop penché, trop serré. Mon dos renacle, mes tendons grincent, mes articulations me rappellent que j’ai commencé à quinze ans comme garçon de café, que depuis j’ai trop tiré dessus et que, avons le, faudrait que je perde 23 kilos. Une valise Air France… Aie.

Je repasse sur le ventre, lourdement, tel un éléphant de mer fatigué par sa migration (ça migre, un éléphant de mer ? Aucune idée…) et de l’autre coté, c’est pire. les bras en croix, je détends tout, enfin j’essaie… Mes yeux se ferment pensant au nouveau site Fundofino : et si je mettais en crowfunding une cure de 21 jours à Brides les Bains avec le forfait total massage + option aruyvédique ? Ouvert à tous les lecteurs de ce blog qui, enthousiasmés par mes efforts à les distraire tout en leur livrant sans pudeur les mystères du vin, se ruraient sur le site pour financer ma cure… On peut toujours rêver…

Météo désastreuse lundi mardi mercredi, enfin, pour ici, hein. Et rien de bien sûr à l’intant. Mais la question va se poser de vendanger avant ou tenter l’après ? Rien ne me semble mûr.

Espérons que la nuit va m’éclairer… Je tombe comme un sac et m’endors aussitôt. « au milieu d’une phrase, me dit Claudine. Sympa…» C’est aussi ça, vigneron.

 

5 commentaires

  • dolia
    12/09/2014 at 3:19 pm

    Priceless!
    Merci.

  • Antoine
    12/09/2014 at 11:42 pm

    Je me suis rué, mais n’ai point trouvé de cure de rêve à financer… Tant pis, je trouvais l’idée originale… Bon courage une nouvelle fois pour ce marathon des vendanges…

  • Bruno
    13/09/2014 at 8:46 am

    « Las Bourgueras » ? je suis curieux de savoir dans quel vin atterrit cette parcelle ?
    bon courage pour la fin des vendanges !

  • Pascal
    13/09/2014 at 8:47 am

    Peu vous écoutent, mais beaucoup vous lisent, et c’est toujours aussi intéressant. Continuez, et bon courage !

  • dolia
    13/09/2014 at 12:19 pm

    « Année des terroirs chaud? » Je pense surtout année des terroirs les plus arides (est ce qu’il y a aussi les « Génégals » qui vont dans ce sens ?) ?
    Qu’elle est la différence (en jours) en moyenne entre la récolte de la Syrah et celle des Carignan (et même des Grenache) spécifiquement sur ce « Las Bourgueras » ? Et connaissez vous les porte-greffes, même des vieilles vignes?

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