Vendanges 2015 – Jour J + 12 – Autumn Leaves


Réveil 5 heures. Le monde m’appartient. C’est ce qu’on dit, non, à ceux qui se lèvent tôt ?

7h15, déjà en place, je patiente sur la première parcelle en attendant que le soleil perce les nuages épars.

J’ai besoin d’un bain de nature pour changer mon état d’esprit de la veille. C’est souverain.

L’automne est là. Le calendrier me le dit. La nature le sait déjà depuis que la lune a changé. Elle est montante, la pleine lune est pour le 1 octobre. Dès qu’elle changera, les vignes aussi changeront. A moins que ce soit le froid, tout simplement, ou les nuits qui rallongent à toute vitesse. L’époque est donc propice, parfaite même à rentrer les derniers fruits. Dans une semaine, il ne restera je pense à vendanger que les Mourvèdres les plus tardifs. Nous terminerons les Grenache demain, au Clos des Fées, samedi à la Chique. Si tout va bien.

En attendant, les Carignan m’illuminent de leur dernier feu. De l’amour ? Oui, de l’amour, ce matin, pour les vignes merveilleuses que je vais arpenter, la joie au cœur.
23•Carignan Feuilles

On y est, les vignes ont tout donné. Que tous ceux qui sont dans la Vibe lèvent les bras. Je lève les bras avec entrain… Ah, ces vignes là…

Il reste environ dix hectares à rentrer au Domaine, on entre dans la «crème de la crème» comme disent les Allemands, et en Français s’il vous plait. Dans la voiture pour le collège, Gaspard révise «L’europe au XVIIIe siècle», qui «domine le monde» politiquement, économiquement et culturellement. Pour les Carignan, j’hésite à lui dire que nous continuons, moi et un jour lui, qui sait, à «dominer le monde» avec quelques vignerons du Roussillon. Les plus beaux Carignan du monde sont ici, dans la vallée de l’Agly et j’ai la chance d’avoir la garde de quelques uns d’entre eux. Ce sont ce que j’appelle des vignes «patrimoine», celle que si tu les laisses mourir, c’est une part de toi, de ta culture, de ton humanité qui disparait avec elles.

Au Domaine, elles ont toutes un nom, celui de celui qui nous les a confiées et qui, bien souvent, nous a quitté depuis. Il y a le Carignan de «Charlou», celui de «Louis Raynaud», celui de «la Banquière», celui «de Lulu» et bien d’autres, de minuscules parcelles de parfois à peine 10 ou 20 ares, datant d’une époque où, ici, grâce au «vin doux», les vignes comptaient parmi les plus chères de France. Tous, nous les aimons, mais celui du Mas Lliansou, cette année, il me tire les larmes. Est ce la climatologie de l’année, qui lui convenait particulièrement ? Est ce la concrétisation de tous nos efforts, qui portent leurs fruits cette année plus qu’une autre ? Je ne se sais pas, je m’en moque un peu, d’ailleur. Mais que c’est beau, les amis, que c’est beau, un vieux carignan d’altitude, fin septembre, dans la vallée nord de Vingrau.

llianssou

C’est beau de loin, parce que le feuillage te dit, par sa couleur, que la vigne termine un cycle. C’est beau de prêt, aussi, quand le pédoncule rougit, que la peau se fond à la pulple, que le tout éclate en bouche comme une petite bombe, libérant sucre et parfums, tout en ayant gardé son acidité. Un peu plus de 14° sans doute, mais 3,35 de pH, vous, ça ne vous dit rien mais pour ceux qui savent lire une analyse, ça éclairera bien le débat…

23•Carignan Gros plan

Au passage, on voit qu’avec du soufre poudre et mouillable, on peut bien contrôler l’oïdïum…

J’ai du mal à partir. Il faut 12° pourtant, à cette altitude, une bourrasque apporte même un ruchat, une ondée, en Catalan. Une sorte de crachin breton le frappe, apportant encore plus d’énergie et de vie à ce matin de fusion avec la nature.

Une dernière photo avant de continuer mon périple, dans une lumière qui rendrait fou un chef opérateur, à regarder, à toucher, à goûter des raisins d’un équilibre parfait. A la cave, il va falloir être à la hauteur…

23•Liannsou carignan pied

 

2 commentaires

  • Jérôme B.
    25/09/2015 at 7:38 am

    Encore une fois mille mercis pour ces billets, jonglant avec l’euphorique et le nostalgo-dépressif, allant du conte au règlement de comptes 🙂
    C’est toujours un bonheur de suivre ces vendanges et de partager, bien que passivement, certaines de tes émotions.

    Et ça donne diablement envie de goûter un jour ce millésime…

    Merci beaucoup Hervé !

  • Christophe Libaud
    25/09/2015 at 1:50 pm

    Eh bien voilà, ça ne roumègue plus et le bonheur revient plus expressif et vif, merci de vos mots, comme de ces maux qui, tous, nous gouvernent… à bon escient.
    Ces vieux carignan de « patrimoine » sont souverains… peut-être une piste pour une prochaine cuvée ?

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