Asia tour 2015 – Day 3 – De luxe Porte à porte


C’est le matin. Mon Dieu que c’est bon de dormir… Réveillé, bien sûr, et pas qu’une fois dans la nuit, mais à chaque fois rendormi. Ca y est, je suis recalé. Enfin, je crois… «Ca doit te prendre un temps fou, d’écrire ce blog» me demande Yves, mon importateur au Japon, alors que nous marchons d’un bon pas dans la rue, vers nos premiers clients. «Non. Enfin, je ne sais pas, en fait».

Bonne question en fait, je n’ai jamais compté. En écrivant, je suis dans «flow», cher à Mihaly Csikszentmihalyi, dont il faut lire les livres. Une impression bizarre, super agréable, où l’on perd toute notion du temps, où on est bien, dans un autre état de conscience. Et quand on termine et qu’on regarde sa montre, oups, oui, ça prend du temps. Du coup, à écrire le billet d’hier (une heure et quart, quand même…), je ne suis pas encore ni douché, ni rasé. Oui, j’écris nu. Enfin en voyage, pas au bureau, hein.

Il pleut de chez pleut. On métrote, je me laisse porter. On attrape au vol un pain au chocolat et un express, la journée commence. Dégustation avec l’équipe de vente. Akiko m’a sortie une google maps et cherche à connaitre les coordonnées GPS de chaque parcelle. Hum. Japanese organisation. Deux heures, sympa, pour expliquer mon travail à ceux qui vont à leur tour l’expliquer. Important. Trente minutes pour avaler une crêpe (oui, une galette, vous avez bien lu), de quoi prendre des forces avant la tournée, toute l’après midi chez des clients existants ou potentiels, certains populaires, d’autres prestigieux.

On ne m’attend pas, au Japon. On ne m’attend nulle part, d’ailleurs. Je suis toujours stupéfait par le nombre de personnes qui croient que je vends du vin parce que j’aurais un soi disant «réseau». Quel rêve… Vendre du vin, c’est en faire du bon et ensuite faire du porte à porte, en France, au Japon ou ailleurs, en espérant que votre vin va plaire, que la personne va le désirer assez fort pour le boire, l’acheter, le revendre et le défendre.

Métro encore, j’ai ma carte. Sac à dos avec les échantillons au cul, rien n’a changé depuis mon premier voyage à NYC, il y a dix ans, le premier ou le deuxième billet de ce blog. J’aime ça ? Ca dépend. Pour l’instant, ma voisine de métro se tape un petit roupillon sur mon épaule. J’ai froid, elle me réchauffe. C’est le Japon.

Métro voisine

Mon appareil photo ne fait pas de bruit. Cela étonne Yves. Pourquoi donc ? Parce qu’au Japon, c’est interdit, tout simplement. Chaque appareil numérique, chaque smartphone doit faire un gros clic quand il prend les photos, afin d’empêcher les pervers de photographier sous les jupes des filles. Je ne peux pas le croire. On me le confirme. J’y crois toujours pas. Quelqu’un sait ?

Première visite dans une drôle d’épicerie, de luxe, m’a t’on dit, mais où, si les produits sont de grande qualité et très divers, on ne fait pas trop d’efforts dans la décoration. Le prouve cette vitrine détournée de son usage alimentaire pour y mettre les vins chers… Hum. Mais serait une des plus gros points de vente de Tokyo. Autre pays, autres mœurs.

Vitrine

Éric, nouveau vendeur, est à fond. C’est un guerrier, un samourai, on sent qu’il va se battre pour le Domaine, mourir, peut-être mais seulement quand il aura fait la vente. Yes. Juste qu’on se prend de plein fouet dans la gueule la réalité du positionnement des vins du Languedoc-Roussillon au Japon : les moins chers, pas les meilleurs, loin de là. Que du négoce, de la grosse cavalerie, des vins à deux euros départ, habillés pour donner le change et vendus 2 000 yen maxi. Le renouveau de la région ? Pas au courant. Les domaines au top, aux vins délicieux et plein de sens ? Jamais entendu parlé. On vend ici du prix, quand ça vient de chez moi, et que du prix. On arrive bien sur pas avec la petite Sibérie, mais quand même, c’est dur de ce prendre un tel mur dès le départ.

LR pas cher

On s’accroche. On lâche pas l’affaire. On attend, au moins trente minutes, pendant que le chef de rayon fait semblant de vaquer. C’est la règle, la vie. Il a le pouvoir, il le sait, il nous le montre. On goûte quand même ? Oui, on goûte quand même. Ah, peut-être que… On a pris la Chique, le premier prix, qui pourrait jouer le rôle du pied dans la porte pour le représentant de commerce, le truc pour rentrer quoi. On parle, on discute, on marchande. Peut-être si… Un  tasting, un week-end, des échantillons ? Éric, tu vas le faire ? oui, Éric, il veut le faire et il va le faire, parce qu’il Y CROIT. C’est beau. C’est pas facile. C’est le métier.

On repart, il est joyeux, nous le sommes aussi, même si rien n’est joué. Un jour, peut-être, ce chef de rayon vendra des Sorcières, avec fierté, puis qui sait, mettra du clos des fées dans sa super vitrine réfrigérée. Un par un. Mano à mano. Je fais mon métier : brise-glace; défricheur. Un jour, un de mes collègues passera, le plus dur aura été fait, il y aura eu un changement de paradigne dont il n’aura même pas conscience. Il préférera le vin de mon confrère, à qui j’aurai ouvert la porte. Le moment d’aujourd’hui n’existera plus que dans les tréfond de Google, oublié. Ce sera bien pour ma région.

J’ai failli acheter un «wimono», pour mes amis de Bandol (ah, ah ah). Et puis… Je regrette un peu, maintenant. Next time.

Winmono

On prend un taxi, direction Robuchon. Un autre monde où, là, on croit déjà que tout est possible. Drôle de journée décidément. Reçu dans un salon privé, j’ai plaisir à retrouver le chef sommelier, qui travaille déjà mes vins. Joël était là la semaine dernière, il a mis la pression, c’est son rôle. Les évènements s’enchainent, il est crevé. Il me donne cependant 45 mn de son temps, de tout son temps, parce qu’il me respecte, parce qu’il connait la valeur de mes vins, alors que les fournisseurs le harcèlent, et pas des moindres. Parce que, aussi, il y a quinze ans, stagiaire au Bistrot du Sommelier, Philippe Faure-Brac lui a dit que j’étais un mec bien, que j’allais, que ça allait, être grand. Merci Philippe. Le regard de l’autre, le petit mot, le geste, des années après, ça fait la différence, parfois. Take Care.

Métro, toujours métro, clients, toujours clients. Nous revoilà à l’ANA intercontinental, où le sommelier nous reçoit, nous, alors qu’il a dit non à tant de monde. L’endroit est sublime, j’en ai déjà parlé l’année dernière. Le soleil se couche sur la ville, c’est… Girly et j’aime ça.

Gagnaire

Salon privé, là aussi. Grand classe, on goûte avec Hugo San, le sommelier et avec Yusuke-San, le chef, Japonais à l’extérieur, half/half à l’intérieur, vu son Français parfait. Là, la magie opère. On y parle d’abord Modeste. Modeste que le Restaurant de Pierre Gagnaire à Tokyo, sert… au verre. Allo ! Mais allo quoi ! On me demande souvent ce qui me donne une impression de réalisation de succès. Difficile à dire. Depuis Vingrau, on ne voit pas le regard des autres. Les articles, les notes, c’est plaisant mais… ça, oui, ça le fait. L’attention de personnes de qualité, leur engagement pour vos vins parce qu’elles croient totalement dans votre produit, dans votre bébé, oui, c’est bon, je l’avoue sans honte aucune. Une heure de discussion au top, échange d’idées et de passion. Merci, merci, merci, mille merci.

La table, juste à l’entrée à droite, j’espère l’occuper un jour pour un diner, parce que je la trouve tout simplement magique. Hop, buckett list !

Table Gagnaire

Clients clients, clients, on dirait Dalida. La tournée continue. Je peux pas tout raconter mais ne vous en faites pas pour moi, tout va bien et ces entrevues m’ont donné une pêche d’enfer. La journée est loin d’être finie, mais ma capacité à écrire, oui…

Le voyage continue..

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