Vendanges 2022 – Jour 26 – Accepter


«Quand on a la Foi, on peut se passer de la vérité» a écrit un jour le bon vieux Nietzsche dans «Naissance de la Philosophie», je crois.

Dans la vie, je suis assez d’accord avec lui. Dans le vin, il y a un sujet, sans aucun doute. Dans la vigne, malheureusement, la Foi ne suffit pas quand elle s’oppose à la pluie, qui, cette année, ne viendra pas. Je suis à peu près certain que si je relisais tous mes journaux de vendanges, je trouverai un jour, fin août ou début septembre où la pluie est arrivée, lavant, relançant, débloquant. Mais pas cette année.

Grand tour de près de six heures, aujourd’hui, dans les vignes qui nous restent à vendanger. Lesquerde, bien sûr, perchée là haut sur son rocher de Granit, mais aussi les Grenache, Carignan, Mourvèdre au top. Le cœur de la meule. Mais voilà, la nature est à bout, tout lâche. Les cistes eux mêmes, commencent à mourir. Les inules visqueuses, pourtant parmi les plus résistantes des saloperies qui tentent de sucer le sang de la vigne chez nous, et bien n’ont pas trouvé l’énergie de fleurir et se dessèchent par le bas. Du jamais vu. La vigne, elle, ne sait plus où elle en est. Encore vaillante, tel le petit cheval blanc de Brassens, elle va s’endormir j’en ai peur sans avoir vu le beau temps. Enfin le soleil. Enfin, vous avez compris, si vous connaissez la chanson.

On ne voit souvent de la sécheresse que l’effet direct, les brûlures du soleil qui forment, en cicatrisant, de véritables cicatrices comme celle d’un grand brûlé . J’ai pris une photo, l’autre jour, en macro. Où est-elle ? Ah, oui, là. Spectaculaire.

D’autres blessures sont plus complexes à détecter, souvent confondues, le dessèchement de la rafle, par exemple. Il n’est pas dû au soleil direct mais à un déséquilibre entre la potasse et la magnésie, lui même provoqué par la sécheresse. Le manque d’eau empêche tout le cycle de la terre de se dérouler harmonieusement, les oligo-éléments d’être assimilables, et, donc, les carences diverses et variées commencent à apparaître sur les feuilles : fer, manganèse, bore, magnésium, etc.

Même si le feuillage est encore vert, on voit apparaitre, chose stupéfiante, des attaques d’oïdium sur feuille. Oh, en passant vite, c’est un vague voile blanc; il faut avoir l’œil car on n’imagine tout simplement pas possible à ce stade, après véraison et aoûtement. Et pourtant, sur l’ordi, zoomé, aucun doute… J’aimerais qu’on m’explique…

Il fait couvert, lourd, à la fois froid et chaud, un peu comme dans un fumoir à poisson, humide à cause du ciel nuageux et du vent marin. Pourtant, la météo est limpide quoi qu’en dise mon assureur qui m’annonce des orages violents régulièrement : nous n’aurons rien au niveau pluie avant le 25. De toute façon, pas certain du tout que désormais, à ce stade, la pluie fasse du bien.

Les paysages sont toujours aussi beaux mais je rentre de ce presquevoyage déprimé.

Oh, il y a du beau, du très beau mais il faudra trier les Grenaches, il y aura bien peu de Carignan et les Mourvèdre devront attendre. En attendant, tous les animaux se ruent à l’attaque de nos vignes, pourtant clôturées : blaireaux, fouines, sangliers bien sûr mais surtout merles à bec jaune qui mangent, très proprement, d’abord les vignes périphériques, grain par grain, grappe par grappe, puis s’enfoncent dans la parcelle autant pour manger que pour boire.

Comme pour me provoquer, un énorme merle jaillit d’une souche à la lisière de la vigne, le ventre plein. On croise sur la route un coopérateur qui a dû actionner la mauvaise manette dans le tournant et à renversé sa récolte de maccabeu sur le macadam. Je sais, je sais, on est pas dans OSS117 mais bon, maccabeu sur macadam, c’était tentant. La famille est là, à coup de seaux, hop, on remet tout dans la benne, direction le «vin doux» de la coopérative. Qui suis je pour juger…

Au fin fond de la vallée nord, la beauté de notre Carignan d’altidude est intacte, comme protégé par cette grande lumière blanche d’où l’on s’attend que descende quelque chose, ou quelqu’un, d’ici ou d’ailleurs, qui me bénisse ou me propose de partir avec lui. Ou elle.

Décision prise d’effeuiller, d’enlever quelques grappes touchées et les grapillons, avec délicatesse.

La situation est grave mais pas désespérée. Au boulot, encore, toujours…

Ce que j’écoute, au jour le jour, pendant les vendanges. Mais pas tous les jours. Ce matin, c’était Johnny. Mais oui. C’est pour toi mon Olivier ! A force d’écrire le blog, ta-ta-ta…

2 commentaires

  • Levavasseur
    14/09/2022 at 12:56 pm

    Pour l’oïdium, si on vous donne une réponse, je suis preneur du partage! Dessèchement, je me doutais bien qu’il y avait un déséquilibre mais lequel??? Merci

  • damien
    15/09/2022 at 5:50 pm

    He bien ,Même a trvers l’ecran je ressens votre vague à l’âme… Courage à tous

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