Habiter avec son vin…


Je n’ai jamais travaillé dans une cave « normale ». Ni dans une cave anormale, si cela existe ;-))

Tout simplement parce que je n’ai jamais travaillé dans aucune cave avant de commencer à faire du vin, il y a huit ans. Oh, pour en visiter, des caves, j’en ai visité. Mais travaillé, jamais. Alors, bien sûr, faire du vin en bas de chez moi, dans l’étroit garage de ma maison de village, cela me semble tout à fait normal. Parfois, je me demande, si les choses s’étaient passées différemment, si la situation m’apparaîtrait sous un autre jour, plus difficile, par exemple, ou plus incongru. Sans doute. Mais j’ai démarré comme ça. J’ai toujours connu ça. Alors, en vérité, cela me convient.

Faire du vin juste au-dessous de l’endroit où l’on mange, où l’on vit, où l’on dort, cela a des avantages et des inconvénients. Bien sûr, il y a un côté pratique. Hier soir encore, en rentrant à la nuit tombée, je suis resté un long moment au milieu des cuves, à écouter l’eau couler dans les serpentins de refroidissement, songeant à ce que le vin allait être. Il n’y a pas, en fait, de « barrière de lieu » entre le vin et la vie quotidienne. Même le week-end, inutile de prendre sa voiture, son vélo ou ses jambes pour « aller » à la cave ; la cave, elle est là, juste sous vos pieds et il n’y a qu’un escalier à descendre pour y accéder…

En revanche, vous l’imaginez bien, on ne s’arrête jamais vraiment de travailler. Le vin, en permanence, habite avec vous. Vous habite aussi, enfin dans mon cas. On vit avec lui toute l’année et, bien sûr, en période de vendange, jeune et plein d’énergie, il est très présent et cherche à imposer sa marque dans toute la maison. Il y a des odeurs de fermentation, qui s’insinuent partout : par exemple, en descendant, le matin, avant même de prendre son petit-déjeuner, on sait qu’en bas les fermentations ont commencé, s’accélèrent ou ralentissent. Il y a aussi un peu de gaz carbonique qui s’infiltre par le plancher (la maison date de 1870, elle n’est pas vraiment isolée). Ah, n’oublions pas les drosophiles qui viennent le soir danser autour des lumières de la cuisine. Les bruits, de porte, de pompe, d’ouvriers au travail, de groupe de froid qui s’enclenchent.

Mon vin habite chez moi. Ensuite, adulte, en bouteilles, suite à un coup de foudre, je l’espère, je le laisse aller habiter chez un amateur de vin qui l’aime alors au moins autant que moi. C’est mon histoire. Elle est étrange. A certains, elle paraît ridicule et mon garage de bric et de bloc pour eux ne l’est pas moins. Peut m’importe, je n’a pas l’intention de le quitter. Je m’y sens bien. À l’intérieur, on y fait des vins que j’aime, dont j’ai le sentiment qu’ils me correspondent. Souvent, je me dis qu’il n’est pas étranger à certaines vinifications, ne serait ce que parce qu’il interdit, de par sa taille et sa structure, certaines manipulations, certains matériels, certaines technologies. Où qu’il nous limite dans le nombre de bouteilles produites et nous force ainsi à nous dépasser vendange après vendange.

C’est bien comme ça. Parfois, il faut avoir le courage de vouloir ne plus rien changer.

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