Marchons, marchons… mais sur la tête


Marcher sur la tête. Quelle expression délicieuse. Typiquement française. Je vous propose de l’illustrer à travers quelques exemples particulièrement parlants. Et délicieusement pervers ; -))

– À la veille des élections présidentielles, vous avez sans doute remarqué que l’écologie s’invite à la table des candidats et veut une large part du gâteau. Au menu, énergie renouvelable, réchauffement de l’atmosphère et bien sûr, agriculture durable. Super. On est à la traîne, en France, par rapport par exemple à l’Allemagne ou l’Australie. On doit donc se mettre au bio, surtout les viticulteurs, grands pollueurs au niveau des produits de traitement, des désherbants et autres engrais chimiques. Tant mieux, suis-je tenté de dire. C’est bien pour la nature, pour la santé des hommes et les femmes qui travaillent au contact de ces produits et bien sûr pour le consommateur, qui se passe très bien de résidus de cochonnerie dans le vin avec tout ce qu’il s’enfile ailleurs, sur les fruits et légumes en particulier. Tant mieux aussi, avouons-le, pour les ventes, le bio, ou « organic » dans les pays anglo-saxons a le vente en poupe.

Si on marchait sur ses pieds, on se diraitt que l’administration va tout faire pour nous encourager à suivre la voie d’une viticulture plus responsable de son environnement, durable, quoi.

Mais comme on marche sur la tête, on apprend au même moment que la commercialisation des produits de traitement naturel, genre « purin d’ortie » ou « tisane de prêle » est désormais interdite. Que le simple fait d’en donner la recette ou d’en faire la promotion est punie deux ans de prison et 15 000 euros d’amende. Vous croyez rêver ? Malheureusement, on est dans la réalité. Une excellente synthèse ICI, pour approfondir si vous le souhaitez.

– les engrais chimiques sont de véritables poisons pour la vigne, surtout mal et trop dosés. Ils sont la négation même de la notion de terroir puisque l’abus que l’on en fait depuis 50 ans revient à cultiver « hors-sol ». Ils ne sont plus nécessaires, dans une époque de surproduction généralisée. Gavées d’azote, croûlant sous le poids d’une végétation « surnaturelle », ces vignes sont hypersensibles aux maladies de toutes sortes, attirent les prédateurs et pourrissent sur pied, produisant même dans certains cas des moisissures cancérigènes.

Halte là, mon ami. Vous voulez épendre du fumier de bergerie ou un bon compost en déblayant les étables ? Pas question, jeune homme. Ici, on marche sur la tête, vous l’avez oublié ? Après la grippe aviaire et la vache folle, il faut prendre des pré-cau-tions. Donc, selon ce bon principe, interdiction désormais d’épendre du fumier dans les vignes à moins de l’avoir produit soi-même. En cas d’infraction, l’éleveur, le transporteur et l’entreprise qui épend sont aussi responsables que vous. Donc, bien sûr, personne ne veut plus y toucher. À moi la contrebande de fumier, sur les petites routes, la nuit. Et je ne rigole pas, malheureusement

– la notion de terroir passe par la diversité génétique des vignes qui y pousse. En plusieurs siècles, la vigne s’est adaptée. Un Grenache du Roussillon n’a rien à voir avec un Grenache du Priorat ou de Châteauneuf. On devrait donc être obligé de replanter des clones ou des sélections massales qui proviennent de l’aire d’AOC. Surtout si l’on veut produire des vins uniques ou tout au moins différents de ceux de nos voisins, de l’AOC d’à côté ou de très loin au-delà des mers. Mais on marche sur la tête, alors, allez chercher des bois de vignes dans la vigne de Paul ou de Pierre, réputée pour sa qualité, et les multiplier est interdit. En revanche, des producteurs du nouveau monde viennent eux en prendre pour les planter chez eux. En toute légalité. On marche sur la tête, vous n’avez pas encore compris ? Mais, eux, ils ont les pieds sur terre, ne vous en faîtes pas.

– l’INAO interdit les copeaux dans les AOC. Sauf que comme on marche sur la tête, c’est interdit SAUF dans certaines AOC où l’on va autoriser des essais « pour voir ». Et pas des moindres au niveau notorioté ou volumes produits, s’il vous plait : Médoc, Bordeaux, Côtes du Rhône, Muscadet et j’en oublie (on voit bien, au passage, qui tient les rênes de l’INAO en ce moment…). Raymond Devos, au secours, reviens… Ou bien les copeaux c’est mal pour l’AOC et on les interdit. Ou bien c’est bien et on les autorise. Mais comme on marche sur la tête et qu’on est tellement habitué à se soumettre à une réglementation qui n’a ni queue ni tête, on interdit ici et on autorise ailleurs. En même temps. Vu du reste du monde, vous croyez qu’on est considéré comment ? Comme des indécis, au minimum. Comme des charlots, la plupart du temps. Comme des gens malhonnêtes, malheureusement, parfois. Bon, bien sûr, il y a une raison. Comme tout est en train de changer, comme on va remettre tout à plat, il faut prévoir l’arriver de nouvelles AO qui pourront faire des choses que les AOCE ne pourront pas faire. Vous avez compris ? Moi non plus, je vous rassure. Mais sans doute un de nos énarques de service qui ne boit pas de vin, lui, a compris et nous a pondu ce nouveau délire.

– pour finir, et dans un autre domaine, l’obésité. Mais bon, vous allez comprendre, c’est tout aussi schizophrène… C’est une catastrophe aux USA, ça arrive chez nous. A 3 ans, lu dans la presse la semaine dernière, certains enfants mangent aussi mal que les adultes et s’empiffrent de chips, de charcuterie et de gâteaux industriels bourrés de sucres raffinés, de mauvaises graisses, de sel à haute dose, le tout soigneusement dosé pour que l’on ait faim quelques heures après s’être bourré. Gaspard va à l’école. Un copain fait son anniversaire. Les mamans veulent faire des gâteaux maison, tant pour le goût que pour le plaisir et parce que c’est un acte d’amour, la cuisine, au cas où vous ne le sauriez pas.

Halte là, les mamans, on ne passe pas. Interdit désormais d’apporter quoi que ce soit à manger à l’école, vos gâteaux ne sont pas conforme au principe de précaution, n’ont pas respecté la chaîne du froid sur les 100 mètres qui séparent votre four de l’école, et « pourraient » provoquer des intoxications ( ???). On va donc mettre sur la table des gâteaux industriels, à la liste des stabilisateurs, anti-oxydants et autres exausteurs de goût longue comme le bras. Plus des bonbecs, bien sûr, pleins de colorants. Mais, eux, ces « industriels vertueux », ils sont en règle avec la Loi, qui permet tout ou presque, et pratiquent la traçabilité. S’il y a un problème, l’école ne sera pas ni « responsable » ni bien sûr « coupable ». Dans cinq ans, combien d’obèses à Vingrau ?

La liste est longue mais je m’arrête là, parce que je crois que la messe est dite. Parfois, le remède est pire que le mal, l’adage est bien connu. Aurons-nous le courage de lutter où sommes nous tous devenus des moutons, résignés devant les délires d’une administration qui semble ne plus être sous contrôle ?

P.S. : cherche guetteurs pour transport prochain de marchandises illicites en provenance d’une bergerie clandestine.

Laisser un commentaire

ABONNEMENT

Recevez les billets du blog dès leur publication. Et rien d'autre.

Archives