Cher Raymond


Sur la passion du vin, le débat sur les copeaux bat son plein. Pourtant, apparemment, bien peu d’amateurs ont trempé leurs lèvres dans un vin « copoisé », à moins bien sûr de l’avoir fait sans le savoir ;-).

Le très estimable Philippe B. défend son droit à être contre le « principe » en lui même, ce qui l’honore. Voilà au moins qui est franc et clair. Ce n’est pas comme ces buveurs qui sont « contre » les vins chers, mais qui acceptent non sans enthousiasme d’en boire quand… on leur en offre ;-)). Philippe est contre le « maquillage » des vins, quelqu’il soit. Je lui glisse un lien vers une petite annimation formidable qui devrait vous réjouir. C’est ICI. C’est à voir.

Ce petit — et tout à fait remarquable – film m’a fait longuement réfléchir. A partir de quel moment un vin est-il à ce point « maquillé » qu’il en devient non plus attirant mais repoussant. Bonne question, je vous remercie de me l’avoir posée. En regardant plusieuurs fois et très attentivement ce clip, j’ai compris très précisément jusqu’à quel point, en temps que vigneron comme en temps que dégustateur, j’acceptait d’aller : toute la première partie, la coiffure, le fond de teint, le maquillage au sens littéral du terme, je ne voyais en fait rien à redire. Et maquillée, la jeune femme me semblait plus « attirante » (je n’ai pas dit plus belle …) que « nature », faisant fi pour une fois des conseils précieux de ma grand-mère qui annonçait volontiers sur le ton de celle à qui on ne la fait pas : « tous ces mannequins, c’est au réveil, le matin, que l’on a des surprises »;-)). Je suis aussi d’accord sur l’habit, qui fait le moine, vous le savez bien, voire sur une jolie paire d’escarpins. Bon, je m’arrête là, sinon Claudine va me censurer et elle aura raison ;-))).

En revanche, au départ de la séance de palette graphique, là, je suis carrément mal à l’aise, limite dégoûté : on est plus dans la réalité, ce n’est pas quelque chose qui existe vraiment; c’est un rêve, un mensonge, une arnaque. Et là, je suis géné. Très géné.

Existe t’il un // avec le monde du vin ? Je le crois. Je suis prêt à mettre tout en œuvre pour que mon vin soit meilleur. Il se trouve que jusqu’à la mise en bouteille, tout ce qui se rapproche le plus de la tradition et du naturel me semble meilleur pour mon vin, du moins à mon goût. Le fumier, c’est mieux que l’engrais chimique. Le souffre en poudre, c’est mieux que les IBS. Mais en cas de problèmes, je n’hésiterai pas à en utiliser un peu, avec circonspertion. La confusion sexuelle, c’est mieux que la roténone, que pourtant disent certains plus « naturelle». Du coup, le climat du Roussillon m’aidant et grâce surtout aux moyens techniques et humains que me permettent mes prix de vente, mes Veilles Vignes bichonnées donnent peu de raisins, mûrs et sains, puis un vin naturellement concentré, très stable, particulièrement adapté à l’élevage en barriques puis à la bonification en bouteille. Dans mon vin, un peu de SO2 me comble et me suffit pour garantir autant que faire se peut sa qualité pendant les longs voyages qu’il sera ammené à subir. Certains de mes cuvées me semblent meilleures en cuves qu’en barriques, pour d’autres, c’est le contraire, et le bois neuf me semble alors magnifier et révéler mes vins les plus concentrés, sans les dénaturer le moins du monde. Quoi de plus naturel et amical que le bois, quand on y pense ? Á la mise en bouteille, pas besoin de stabilisants ni de filtration sur les vins de garde, parce que j’ai pris mon temps et que mes clients ont eu et auront la patience d’attendre. Sur les Sorcières, une filtration rend le vin brillant, limpide et plus fruité. C’est plus agréable et plus bon. Alors, on filtre, très très légèrement.

Pourrais je alors mettre des copeaux, si le vin s’en trouvait tout simplement meilleur à mes yeux et aux yeux de mes clients ? En vérité, cher lecteur, je pense que oui. Parce que cela peut améliorer le fruit des vins à boire rapidement, dans leur jeunesse (on extrait du chène frais les arômes de fruits rouges qui parfument vos yaourts…); parce ce qu’un peu de bois à l’encuvage donne parfois des tannins plus doux en fixant la couleur, en améliorant la qualité et la stabilité des polyphénols; Parce que le bois a bien d’autres atoûts que la simple aromatisation, ce que personne ne dit alors que tout le monde ne parle que « de parfums artificiels dans des vins médiocres ». Ah, fantasme, quand tu nous tiens. Les copeaux, ce n’est ni le Pérou ni la lampe d’Aladin. Je repense aux début de la congélation, tecnique contre laquelle tout le monde se levait et mettait en garde la ménagère des seventies : Raymond Oliver, (le Ducasse de l’époque, pour les plus jeunes ;-)) avait pris la défense du procédé en s’écriant : « si vous congelez de la merde, vous décongelerez de la merde »… Il est aisé d’adapter la formule aux copeaux : « si tu met des copeaux dans un vin de merde, tu as des un vin de merde avec le goût de planche en plus…». Et je rajouterai même, puisqu’on fait aujourd’hui dans le vulgaire : si c’est fait par un charlot dans le but de s’en mettre plein les fouilles, ca va pas durer très longtemps, parce que le buveur, il est gentil mais il est loin d’être con ». Pour moi, on ferait mieux de l’autoriser mais d’obliger tous ceux qui le font, y compris les vins « d’aiilleurs», de l’indiquer sur l’étiquette. Ca résoudrait le problème vite fait bien fait. Tout pareil d’ailleurs pour la chaptalisation. Mais on en parlera bien un de ces jours…

En revanche, je sais très bien tout ce que je ne ferais pas, tout ce que je ne mettrais jamais dans mon vin. En fait toute la liste des adjuvants chimiques, pourtant autorisés et dont personne ne parle : en cette année à champignons où l’on n’aura jamais mangé autant de cèpes en Europe et ou le botrytis fut d’anthologie, l’histoire retiendra que dans certaines régions et non des moindres, l’on manqua de caséine, de bentonite ou autres charbons œnologiques.

Avant de te révolter contre les copeaux, oh ami et amateur de vin, va donc regarderICI la liste de tout ce que l’on peut mettre dans ce breuvage qui te passionne tant. Et ne trompe pas de combat. Parce les copeaux, par rapport au reste, vraiment, dans le vin « industriel », c’est vraiment pas le plus grave… Le plus grave, il y est depuis longtemps, dans ton breuvage préféré; mais comme toutes les bonnes combines, il ne fait pas la une des journaux ;-((

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