Pallissage


Pour la majorité des dégustateurs, faire du vin est un acte fabuleusement romantique.

Accueillis dans les plus grands châteaux, ils ne voient que la façade, le côté superficiel des choses. Tels des passagers de première classe sur un grand paquebot du début du siècle, ils ne voient jamais les soutes et les coursives où s’agitent les corps, où se contractent les muscles mais aussi et surtout où bat le cœur du bateau.

Certains lecteurs me disent apprendre des choses à travers ce blog. Pour moi, il n’a d’objet que de montrer certaines réalités, pas toujours dévoilées, du métier de vigneron. J’ai toujours pensé que « savoir » valait mieux que « croire », que le plus important était de vivre dans la réalité, même si parfois « entrer dans la concience est quelque chose de très, très ennuyeux », comme disait Cioran… Tant pis.

Je suis désolé si, parfois, la réalité n’est pas glamour. Il faut replacer le vin dans sa réalité : pour faire du vin, il faut avant tout mouiller la chemise et mettre les mains dans la terre.

C’est ce que j’écrivais dans ma tête en aidant pendant quelques heures Serge, Bruno, Yves, Edouard et Mietec à mettre en place un palissage en bois sur un coteau de 30 ares, perdu dans la montagne. Oh, je ne cherche pas à me faire passer pour ce que je ne suis pas. Je ne suis que quelques heures chaque jour dans mes vignes, même si je voudrais l’être plus. Et je ne mouille pas autant le maillot que je le voudrais ou le devrais sans doute, ne serait ce que pour ma ligne ;-)). Mais là, en plantant ma pelle dans le sol et en appuyant dessus avec ardeur, je pensais à tous ces vignerons qui peinent si dur physiquement et mentalement. Ils sont souvent seuls, ce qui doit être vraiment très dur et, en plus, ne connaissent parfois ni le succès qui est le nôtre, ni simplement la sécurité financière pour leur famille. Pour continuer, il faut une sacrée force de caractère et je ne sais pas si, vu la conjoncture, il en restera beaucoup dans dix ans qui s’accrocheront aux coteaux de la vallée de l’Agly.

Bon, nous, on s’accroche, à ce p…… de coteau, parce qu’on y fait chaque année… une, une seule, une si petite mais une subllime barrique de Clos des Fées.

But du jeu : remplacer un millier d’échalas par un palissage bois avec fil métallique.

Raison du jeu : la vigne est sur un parcours de sangliers, au milieu d’une « réserve » de chasse. Impossible de les contrarier ou de les chasser. En ce frottant dessus, ils cassent plus de 300 échalas par an, qu’il faut changer un par un. C’est cher, pénible, totalement irrationnel. On a essayé. on a échoué. On change.

Mode d’emploi : louer une tarrière à moteur. Tenter de faire un trou. Entre dix et trente cm de profondeur, butter sur un caillou. Sauter en l’air et prendre une sacrée chataigne dans les bras. Creuser avec la pelle, finir avec un quart en fer blanc en raclant bien la roche. Penser à ces films où les prisonniers creusent des tunnels pour s’évader. Tenter de casser le cailloux avec la barre à mine. Se réjouir quand c’est du schiste, retenir ses jurons quand c’est un bloc de calcaire. Bloquer. Changer d’outil. Prendre un marteau et un burin, enfoncer la moitié du corps dans le trou. Repenser au film de prisonnier. Taper au fond du trou, jusqu’à arriver à 50 cm de profondeur, qu’on soit content ou non. Se lasser. Reprendre. Se lasser encore. Se dire qu’on y arrivera pas. Reprendre. Perforer le caillou. Reprendre la barre à mine pour faire un avant trou en alignant bien le poteau en bois. Le caler avec de la terre et des cailloux.Tasser. Reboucher. Taper dessus avec un gros marteau bien lourd pour allgner les hauts.

Changer de trou. Recommencer.

Rien à ajouter. Ah oui, des photos.

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