L’ultima patata ou « qu’est ce qu’un bon déjeuner ? »


Le vigneron qui reçoit à déjeuner ou à dîner chez lui n’est pas toujours à la fête. Et oui, les invités veulent, c’est bien normal, goûter son vin et pas celui des autres… Ils viennent d’ailleurs pour ça ;-) Mais une fois ouverts quelques vieux (enfin, chez moi, c’est un bien grand mot ;-) millésimes, le vigneron qui se respecte, et qui est donc amateur d’autres vins que le sien, aurait bien envie d’ouvrir quelques bouteilles venues d’ailleurs…

Dimanche, c’était l’occasion ou jamais. Deux couples d’amis, l’un dans la musique, l’autre dans le vin, tous les quatre gens de qualité et suffisamment intimes pour que je leur impose une dégustation d’autre chose que du Clos des Fées. Ils savent qu’en général, ils ne perdent pas au change ;-) Tiens, c’est le moment d’ouvrir quelques vieux Beaucastel. Ce sera Roussane Vieilles Vignes 1997, stupéfiant, sorte de « liquoreux sec », si tant est que cela existe, à la couleur d’ambre liquide et à l’évolution bouleversante. Puis un « Hommage à Jacques Perrin » 1989, l’un de mes premières révélations de potentiel du Mourvèdre, à l’époque déjà grand et aujourd’hui grandiose (et avec au moins 10 ans bien pesés encore devant lui). Puisqu’on est en 1989, c’est le moment d’ouvrir un Tertre Rotebœuf de la même année qui, lui aussi, tient toutes ses promesses et au même au delà.

En faisant la vaisselle et en rangeant toute la pagaille fatalement engendrée par le déjeuner, après avoir passé par ailleurs la matinée à cuisiner, je me trouve philosophe : Un bon déjeuner ou un bon dîner, en définitive, c’est très simple. C’est quand, en nettoyant la cuisine, en rangeant la maison ou en essuyant ses verres, on est toujours aussi content de s’être démené pour faire exister un tel moment ;-)

Avec l’agneau de 100 jours de mon ami le berger de Bélesta, c’était le moment de refaire une vieille recette que, allez savoir pourquoi, je n’avais pas fait depuis des années. Je l’appelle « L’ultima patata », car, résolument, je ne connais pas de meilleure façon de manger des pommes de terre. Encore que la purée… Ou les pommes soufflées… Bon, c’est vraiment une recette extraordinaire (sauf pour le régime ou les artères…) et il faut l’essayer pour comprendre. Attention, c’est pas franchement esthétique à la fin, et vos invités, au départ, font souvent une drôle de tête. Mais après… Allez, je vous la donne.

Ingrédients pour 6 personnes

1,5 kg de pommes de terre (dite à chair ferme, les mêmes que pour faire des pdt sautées)

200 g de beurre

Sel, poivre du moulin

Déroulement des opérations

Jusque là, vous vous dites, le Bizeul, il se moque un peu de nous… Du beurre, des patates ? C’est tout ? Et ça s’appelle « La patate ultime »… N’importe quoi.

Rira bien qui rira le dernier ;-)

Or donc, peler les pommes de terre, les jeter au fur et à mesure dans une bassine d’eau froide. Les reprendre une à une pour enlever les yeux de les petits résidus de peau. Les replonger dans l’eau fraîche. Les couper en tranche fines, style gratin dauphinois, avec une mandoline ou un robot ou un couteau. Les remettre au fur et à mesure dans l’eau. Les rincer plusieurs fois. Les égoutter soigneusement. Bien les sécher dans des torchons propres.

Les disposer sans les ranger, en vrac, comme ça, dans une plaque à rôtir assez grande, genre 30 x 40 cm, ou, à défaut, sur la plaque « lèche frite » de votre four. Il faut qu’il y ait de l’épaisseur, genre cinq ou six couches, sinon ça ne marche pas. Saler sans faiblir, poivrer généreusement. Sortir le beurre du réfrigérateur. Le couper en tranches, puis en bâtonnets, puis en cubes d’1cm de côté. Les disposer au milieu des patates, sans se soucier vraiment de l’esthétique.

Faire chauffer LE GRILL de votre four. Enfourner le plat sous la source de chaleur, à environ 15 cm du haut du four. Ni plus haut, ni plus bas. Laisser votre four entrouvert, deux ou trois cm, afin que l’excédent de chaleur sorte. C’est important. Les pommes de terre doivent cuire sous un rayonnement, pas dans un four.

Au bout d’une dizaine de minutes, touiller les patates afin de bien les imbiber avec le beurre qui a fondu. Puis, toute les dix minutes environ, regarder ce qui se passe. Les pommes de terre qui sont dessus vont commencer à griller, presque à brûler. A ce moment là et pas avant, quand c’est bien croustillant sur le dessus, on remue le tout et on remet des pommes de terre crues au contact avec la chaleur. On recommence. On recommence encore. Compter 6 à 7 « retournements », en fonction du four et de la variété de pdt.

A la fin, le beurre a été absorbé par les pommes de terre. C’est pas très beau mais c’est pas grave, la vérité sort parfois du chaos, on en a déjà parlé sur ce blog ;-). Juste avant de servir, laisser croustiller une dernière fois avant de mettre sur la table.

Ne pas se battre pour finir le plat… il y a tout dans cette recette, qui sans nul doute, nous a été offerte par un Dieu de bonté et de miséricorde. Du moelleux. Du beurré. Du fondant. Du croustillant. Un peu de brûlé. Ah, je vous assure, ça paraît bête et pourtant, on touche là au divin… Oui, Dieu, ou en tout cas la preuve de son existence, peut se cacher dans un plat de pomme de terre ;-). Oh, pas un Dieu absolu et omnipotent, bien sûr. Mais un de ces « petits » Dieu du foyer, du quotidien, style Dieu Lare, adoré des romains, que, si d’autres ont oublié, on continue à respecter au Clos des Fées ;-)

Dimanche, j’ai servi « l’ultima patata » avec un gigot donc. Vous savez faire cuire le gigot, bien sûr ? Non. Ecoutez, c’est pas un blog culinaire, c’est un blog sur le vin et sur le quotidien d’un vigneron. Ah, vous pensez que tout est lié ? Qu’œnologie sans gastronomie n’est que ruine de l’âme ? ;-)) Ah, vous aussi ? Bon, alors, à demain. J’ai bien dû écrire un jour ou l’autre un petit texte sur la cuisson du gigot. Je chercherai, c’est promis.

P.S. : s’il vous plait, si vous essayez cette recette, inutile de me baiser la main le prochaine fois qu’on se verra ;-))) Un grand sourire complice suffira, accompagné bien sûr du mot de passe « ultima patata » ;-))

Laisser un commentaire

ABONNEMENT

Recevez les billets du blog dès leur publication. Et rien d'autre.

Archives