Leur dire qu’on les aime…


Leur dire qu’on les aime… Leur parler doucement, à l’oreille… Leur dire des choses tendres, entrer dans leur intimité lorsqu’on les manipule… Cela les influence t-ils ? Cela les aide -t-ils à devenir meilleurs ? Cela leur permet-ils de finir leur long travail de naissance ? Qui ? Mais mes vins, bien sûr… ;-)

Le travail en cave bat son plein et je ne n’ai pas, comme certains vignerons, l’impression que tout est terminé, que les « jeux sont faits », que, tout « naturellement », mon jus de raisin, déjà incroyablement coloré, fruité et aromatique cette année, va se transformer d’un coup de baguette magique en nectar divin, en grand vin capable d’affronter le temps, de réjouir les palais, de convaincre ceux qui doutent encore qu’en Roussillon, le grand vin est bien sûr possible mais surtout évident… Non, tout n’est pas dans le raisin, même si la qualité du dit raisin est primordiale. Je sais qu’il me faudra faire des choix, guider chaque cuve d’une manière différente, surveiller et élever chaque barrique, pendant de nombreux mois, en fonction de son évolution.

Comme ces enfants qui ne peuvent se développer s’ils sont totalement privés d’affection, dire aux vins qu’on les aiment influence t’il leur maturation, leur lente construction, leur avenir ? Je l’ignore. Mais je l’avoue sans honte, je l’ai toujours fait et continue à le faire, en particulier lorsque, lors des remontages, je plonge avec délices mes mains dans le moût en fermentation, au milieu de ces milliers, ces millions de micro-organismes invisibles, les levures, qui travaillent avec entrain.

Comme cette phase de la vinification devait paraitre, d’ailleurs, étrange, mystérieuse, voire magique aux vignerons de l’antiquité… Je me souviens d’un vigneron (j’ai retenu le message et oublié le nom, pardon…), qui me disait un jour qu’il n’entrait dans sa cave que du personnel de bonne humeur, positif et rigolard. Que les aigris faisaient tourner le vin. Que les coléreux l’empêchaient de fermenter tranquillement. Que les stressés transmettaient leurs tensions et leurs « ondes » négatives. Après tout, pourquoi pas. Un tourmenté n’est pour le moins pas « à l’écoute » et donc sans aucun doute plus sujet à d’éventuelles erreurs de jugement ou de manipulation qu’une personne détendue, attentive et positive.

Pour autant, je l’avoue, cette idée qu’une « attitude » ou une « pensée » envers les choses soit capable de les « changer » dans le sens « physique » du terme reste pour moi une douce croyance, un brin romantique, à la limite ésotérique. C’est pour moi un peu comme la croyance dans les fées, les elfes et les lutins. On y croit sans y croire. On voudrait bien, en tout cas moi ;-), que tous ces petits êtres mystérieux existent, ce qui rendrait notre existence moins cartésienne, surtout en ce moment ou, peu à peu, la science en général et la génétique en particulier sont en train d’expliquer tant et tant de choses… Pour autant, un solide bon sens me retient de baser la moindre stratégie sur cette idée de « pouvoir de l’esprit sur la matière » et je m’effraie très vite de tous ceux qui, au non de ce genre de superstition, réfutent toute valeur à la science. Je lisais l’autre jour sur une lettre agricole, la réaction d’un lecteur qui racontait l’histoire des bols de riz d’Emoto (développée ICI)… J’aimerais tant, certains jours, comme chacun d’entre nous, j’imagine, que ces expériences paranormales soient vraies; et pourtant, si cela l’était, ce serait si effrayant et si étrange… Bon, en attendant, on va continuer à entourer nos vins de tendresse et d’amour. Une chose est sûre, ça ne peut pas leur faire de mal ;-))

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