Vendanges 2009 – Jour 14 – Le jour le plus long


Il y en a un dans chaque cave, chaque année, depuis que Noé a replanté son sarment à peine débarqué ;-)

Bon,  nous, ce jour « affreux », c’était hier.

Dans les vignes, avec la vendange de notre terroir le plus redoutable, le plus pentu, le plus tordu, avec des Lladonner Pelut qui, au fil des heures et sous un soleil ardent, semblent se transformer en plomb sur le dos des porteurs. Le fils prend ici la place du père. Un porteur s’écroule dès dix heures, à bout de force. Serge prend sa hotte et se met à courir… En côte. Respect et humilité.

C’est là. Désolé, j’ai pas pu y aller hier en pleine action, j’étais moi même au taquet… Ces « jolis petits vallons », c’est la mort du porteur…

Je repense à ce jeune homme, qui, tout fringuant, m’a gentiment appelé de la part d’un ami, début septembre.  » Je voudrais bien faire les vendanges avant de commencer mon année de fac. Il parait que c’est sympa, cool, qu’il y a une bonne ambiance ». Je pense à ce qu’il aurait vécu et je suis bien content de l’avoir gentiment dégouté.

Pendant que nos vendangeurs de compétition vendangent comme des avions (on peut arriver, selon la compétence et la motivation des vendangeurs, du simple au double des raisins vendangés…), c’est ma journée « rubik’s cube » dans la cave.

4 cuves à compléter ou à remplir, trois demi-muids à sélectionner. Dès que l’on bouge, il faut déménager tout le reste, en anticipant les voyages qui se succèdent et dont on ne sait bien sûr jamais à l’avance les volumes exacts. On déplace tout dans un sens, puis tout dans l’autre, débranchant à chaque fois les drapeaux de régulation thermique, tout le matériel, essayant de ne pas rendre folle Fabienne qui ce matin là, le pire, s’est gentiment proposé de faire les remontages au Clos des Fées. A droite. A gauche. Au fond. Ici. La-haut. Les directives fusent.Les camions se succèdent, mon cerveau s’embrume au fur et à mesure que je décharge les comportes. Vite, vite, voilà le mot que j’ai le plus prononcé hier, tendant de gérer ce flux tendu indispensable aux vendangeurs qui risquent de manquer de comportes ou de caissettes…

Au milieu, nettoyer, toujours nettoyer et tenter de ne pas oublier une grille, une vanne, un sulfitage, un chapeau, un inertage.

La folie.

Bon, tout est rentré, je ne sais comment.

Le plus dur est fait pour cette année.

15 heures de travail plus tard, je m’écroule, hébété, devant un verre de vin et un morceau de tarte à la tomate, bafouillant, le regard vitreux. A huit heures, je lis tant bien que mal une histoire à Gaspard : aie, on y parle de marchand de sable… Au pied de son lit, je m’endors 10 minutes, avec l’impression bizarre d’un interrupteur qui disjoncte…

Dernière ligne droite aujourd’hui. Après un réveil musculaire où tout semble grippé, je tente de tenir mon engagement de blog quotidien avant d’y retourner.

Magnifique Cabernet-Franc, idéalement mûr. En gros plan, petite grappe au bout de ma main fatiguée, qui a du mal à serrer après s’être fait coincée entre deux comportes.

En fin de journée, je parle avec mon voisin Michel, 80 ans. A la fin des années 60, à Vingrau, les vignerons rentraient à la coopérative 26 000 hectolitres en douze jours, avec des chevaux et des comportes en bois ! Et le soir, tout le monde chantait dans les rues… Cette année, la cave fera péniblement 5 000 hl, en quatre semaines, en tracteur… Bon, en 1970, on était payé à Noël, à deux fois le prix d’aujourd’hui… Ça me laisse pensif.

PS. : on faisait plus de 2 millions d’hl dans le département, j’apprends qu’on approche les 500 000. Fin d’un monde…

Laisser un commentaire

ABONNEMENT

Recevez les billets du blog dès leur publication. Et rien d'autre.

Archives