Dépression post-vinum


Le mot existe t’il ? Il le devrait. Je sais, je vais encore attirer les foudres des féministes, qui m’expliqueront que mettre un enfant au monde n’a RIEN à voir avec porter une vendange à terme. Il faudrait être idiot pour ne pas le comprendre. Mais le blues qui vous envahit ensuite, oui, je lui trouve des ressemblances… Je ne force personne à me croire, bien sûr, et je ne compte pas sur mes confrères, homme ou femme, pour venir témoigner, mais je vous assure, c’est proche.

Vaste mélange de fatigue, d’émotion, de satisfaction du travail accompli, de la fierté aussi, bien sûr, surtout les millésimes comme 2015 qui s’annonce éblouissant mais aussi cruelle conscience du travail à venir, l’autre, qui commence (bien le vinifier, bien l’élever et en plus bien le vendre, ce qui n’est pas le cas pour les enfants 😉 sans oublier la fatigue physique et morale, le champ de bataille des émotions qui vous ont balayé depuis bientôt deux mois…

Tout ça pour expliquer ce long silence, nécessaire. Mais est il besoin de justification entre nous, après tout ce temps ? Bref, deux ou trois billets que j’aurais voulu, que j’aurais dû écrire, plutôt que de vous laisser en plan, comme ça, du jour au lendemain. Sur les fermentations, sur les cuves tronconniques. Y’a qu’à. Faut qu’on. Je les ferai, c’est promis, mais pour l’instant, je vous écris de Singapour.

Départ hier, fidèle à Air France, vieux chauvin que je suis, toujours content d’aider une compagnie française malgré ça, et ça, et ça… Passons sur le vol, qui s’est plutôt bien passé – bien que – et saluons les efforts de beaucoup plutôt que les défaillances de certains… Arrivée vers 15h, j’ai pu dormir quelques heures, c’est bien. Alex m’attend à l’aéroport, l’atmosphère chaude et humide de Singapour m’enserre et m’étouffe. Dans ma tête, une chanson égrenne sa ritournelle : «une sourie verte, qui courrait dans l’herbe, trempez là dans l’huile, trempez la dans l’eau…». Il y a quatorze heures, j’étais encore à 100 % dans ma cave, dans mes vendanges, dans mes vignes, dans ma vraie vie, me voilà comme téléporté dans un autre monde.

Check-in au Hyatt, une douche, départ pour le premier évènement, un diner privé avec quelques clients fidèles de la première heure du Clos des Fées, dont l’un des premiers acheteurs de Petite Sibérie, le 2001. Ce sera l’occasion d’en ouvrir une ce soir, ce qui est rare. Il m’en reste moins de 40 bouteilles, je pense, dans la Vinothèque du Domaine, et, pour le moins, une bonne dizaine d’années encore à se bonifier. Les occasions sont rares, précieuses. La tradiionnelle verticale, au Grand Tasting, n’aura pas lieu cette année, vu que nous n’y allons pas et je m’interroge sur ce vin, conservé depuis tout ce temps dans une bonne cave, certes, mais à l’autre bout du monde.

Demain, ce sera le «Master of Taste», un évènement organisé par le Wine-Advocate, sur un format original. Gratuit ou presque pour les vignerons, réservé ou presque aux lecteurs de la lettre, l’initiative est très intéressante, d’autant qu’elle est très orientée vers des vignobles peu connus ici. On verra.

Pour l’instant, diner entre amis avec Monsieur X et sa famille ainsi que quelques amis. Désolé, mais un peu d’intimité, parfois, c’est sympa aussi et si certains dévoilent abondamment et sans grandes retenues leurs vies privées sur le web, lister le contenu de sa cave n’est pas à la mode. Chinese food, ce soir, avec cours de décortiquage de crabe poilu, dont c’est la saison en ce moment et dont tout le monde raffole.

On vous le prépare, alors qu’il sort de son panier «vapeur», avec des gants, ça vous met déjà dans l’ambiance.

Crabe1

Ensuite vous tripatouillez dedans avec vos instruments habituels, dont les mains, surtout, c’est du crabe, quoi, en période de reproduction si j’ai tout compris. La sauce soja/gingembre, c’et top avant. On aura aussi un truc étrange avec des œufs de crabe, une sorte d’estomac de poisson qui ressemblait à une oreille de porc. A moins que ce soit le contraire.

Crabe2

Le top, avec la petite Sibérie, dans ce coin là de l’univers, c’est quand même le canard laqué. Là, on nous a roulé nos petits galettes de riz, ce que je déteste car ils mettent toujours trop de sauce, ce qui rend l’accord avec le vin enfantin. Je rêve de street-food et de grands vins, bizarrement. Dans la rue, une grand quille à la main, des trucs simples. C’était top quand même.

Canard

Vers onze heures, je commence à vaciller, jetlag oblige. Je flotte, ne sachant plus vraiment où je suis, ici, ailleurs, un peu pompette, tripotant machinalement les bouchons de P.S.

2001 sublime, forcément sublime, 2009 puissant et texturé, un bébé.

bouchonsps

Pas de virées nocturnes, pas de dark blog, une douche et au lit, comme le vieux vigneron que je suis désormais, espérant, entre le voyage, la fatigue et le repas avec trop de plats, simplement… bien digérer. Hum, je sais tout cela n’est pas glamour. La belle affaire. Je m’endors en me disant que 2001, c’était quand même une sacrée année, que la promesse est tenue et que décidément, c’est le temps et seulement le temps qui décide de la grandeur des vins.

 

 

Un commentaire

  • z
    03/11/2015 at 10:29 am

    Le Clos des fées Roussillon La Petite Sibérie 2005la-petite-siberie-domaine-du-clos-des-fees.jpg
    Un nez impressionnant de force et de fraicheur, de crème de cassis, de myrtille, de pruneau, de réglisse, de tabac et de mine de crayon. En bouche, c’est la claque, une fraîcheur sibérienne qui surprend immédiatement, c’est puissant et tendu, très droit, minéral et parfaitement équilibré. Certes, les tannins sont encore jeunes et perfectibles, mais le grain est remarquable, certes l’élevage est présent, mais il est de qualité. Et que dire de la longueur, c’est juste impressionnant, comme l’ensemble de cette grande Sibérie. 18.00 Grand vin

    vu sur le net

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