Vendanges 2020 – Pinoter


6h45. On est à Tautavel. Prêt à couper. Le coteau de Pinot Noir, plein nord, est dans l’ombre, et pour longtemps. Les vendanges commencent, toujours par là. Petite équipe. Pour une fois, on va faire une photo.

Beaucoup de roumains, cette année encore, bénie soit l’Europe. J’ai entendu un panel de maires écolos expliquer sur leur radio officielle (France Inter) qu’ils allaient créer des milliers d’emplois dans l’agriculture et dans le service à la personne. Ca m’a permis une de ces crises de rire… Va vendanger une petite semaine, puis change les couches déjà de ton père ou de ta mère, après, on en reparle. Inutile de mettre simplement une annonce localement. On n’essaye même plus.

Les vendanges, c’est DUR. TRÉS DUR. Pas drôle, pas marrant, pas joyeux. Sale. Rude. Répétitif. On les applaudit bien fort et on les remercie vraiment, les permanents du Domaine comme les Roumains, super motivés et dynamiques.

Pendant qu’ils commencent à cueillir le plantier, je tourne dans la «Vieille». La Vieille, elle a été plantée… en 2003. Bien sûr, ça a de quoi faire marrer certains. Comme mes «vieux millésimes» qui ont dix, quinze, vingt ans max, alors que des propriétés alignent des vins de cinquante ans et plus. Mais moi, au moins j’en ai gardé, parce que prouver, c’est mieux que promettre. Il faut un début à tout.

Mais bon, on l’appelle comme ça, désormais, la «vieille», pour la situer et je crains que ce nom ne soit le sien pour les siècles et des siècles.Cette terre me fascine. Des argilo-calcaires comme ça, il n’y en a pas partout et, à chaque fois que je la foule, je comprends pourquoi je me suis engagé dans la grande aventure du Pinot noir, ce dernier Tabou. Surface interne des argiles au top. Entre autres…

Corton a vendangé, me dit-on, Vosnes commence. Nous aussi. Bon, honnêtement, on aurait du/pu la vendanger une semaine avant, mais, matériellement, c’était impossible. Mais avec la sécheresse, les échaudages, l’oïdium, je ne suis pas certain qu’il y ait beaucoup de raisins comme ça cette année en Côte d’Or. Le mot d’ordre journalistique, c’est «année précoce». Pas partout, les amis, pas partout.

Les raisins sont bien à l’abri, sous leur feuillage. Il est 10 heures, la lumière commence à surgir de la montagne, et une sorte de grand tissu jaune va peu à peu le recouvrir. La nature fait du Christo.

Tout est à l’ombre, jamais effeuillé, on dirait qu’il n’y a rien. J’effeuille, vous fait une photo, avant/après. Finalement, il y en a un peu. Petites grappes, sélections massales de Pinot très fin, on ne dépassera jamais 25 hl/ha et c’est très bien comme ça. Chaque année un peu plus.

Tout l’été, pendant les deux mois de chaleur mais seulement quelques jours de canicule, on a gratouillé le sol pour faire ressortir l’humidité, injectant de l’air en surface pour créer une isolation naturelle, comme je l’ai appris en Sardaigne. Le réchauffement climatique, on peut le regarder. Ou s’adapter. Et l’innovation, souvent, c’est simplement «transformer un handicap en avantage». Au lieu de se lamenter, je me demande souvent pourquoi les vignerons du Nord ne viennent pas chez nous pour voir comment on fait. Pour commencer. Après, on verra. Si on est encore là.

Hop, vite, je suis le fourgon jusqu’à la cave pour piloter l’encuvage de notre nouveau jouet. Cuve bois, grappes entières, sans soufre, on se sent désormais assez fort pour tenter de passer un autre niveau. Ça devrait être intéressant. J’ai dit «tenter». Je suis sûr de rien. Mais un ange gardien veille sur moi. Merci JYB ! Le résultat, comme dans toute création, on ne peut que l’espérer à se stade. Tellement de paramètres…

Ce que j’écoute, au jour le jour, pendant les vendanges. Mais pas tous les jours. Un peu d’Imagination, ça ne fait jamais de mal…

2 commentaires

  • José De Nata
    27/08/2020 at 11:54 am

    Nul besoin d’être condescendant avec les « maires écolos » ni avec les personnes qui essaient de trouver des solutions que vous adopterez dans 10 ans. Ce genre de palabres donne une teinte réactionnaire et conservatrice à votre billet qui par ailleurs est intéressant, vous n’avez pas besoin de ça, gardez vos analyses politiques apeupristes pour le café du commerce.

    • Hervé Bizeul
      28/08/2020 at 8:41 am

      Cher José, alors donc ne pas être d’accord et se moquer gentiment de maires écolos qui pensent, depuis la ville, «régler» les problèmes de la campagne, faire notre bien malgré notre mentalité de bouseux, c’est être «condescendant» et «réactionnaire» ? C’est assez amusant. Les maires écolos sont «hors sol» et je serai ravi, bien sûr, de reconnaitre mon erreur dans dix ans, voyant affluer depuis les grandes cités, à vélo, des cohortes de travailleurs motivés à se casser le dos par 34° pour à peine plus du SMIC. Une sorte de «révolution culturelle» à la Mao ? Pour le reste, au niveau écologie, je fais ma part dans la réalité, pas dans le monde de Candy. En je paye assez cher ma liberté de ton sur cet espace pour être «réactionnaire» (si peu) si j’en ai envie et savourer ces cafés du commerce et ces places de village, le soir venu, qui sont tout le sel de la vie paysanne. Nul ne vous oblige à venir le lire.

Laisser un commentaire

ABONNEMENT

Recevez les billets du blog dès leur publication. Et rien d'autre.

Archives