Vendanges 2022 – Jour 9 – Genrer son pressoir


Cette année, j’ai acheté un pressoir mâle.

Je n’en pouvais plus des pressoirs féminins.

Le pressoir féminin, c’est un pressoir horizontal à membranes. J’ai beau avoir la Rolls du genre, un Willmes Sygma, comment vous dire… Plein de programmes différents qu’il faut toujours changer, les gonflages, dégonflages, rebêches (c’est quand on tourne et retourne), pression, la tension des fils de protection qui stoppent parfois toute l’affaire, bref, à la fin, quand tout se passe bien, on y arrive. Mais au prix de quels efforts…

J’avais envie de simplicité.

Alors, j’ai pris un pressoir masculin.

C’est assez simple : un bouton, ça monte. Un bouton, ça descend.

Je suis très fier de sa couleur bleue qui va bien avec l’aubergine des murs de la cave. On a pressé hier pour la première fois des rouges, le Pinot, donc et on a été charmé (voire plus…) du résultat.

C’est de l’humour, hein, le pressoir masculin, je précise.

Bien qu’étant un homme sisgenré comme on dit maintenant – c’est à dire que mon genre correspond à mon sexe de naissance, pour ceux qui étaient en prison depuis plus de cinq ans – je me garde bien de faire désormais la moindre blague qui pourrait me voir allumer par la police de la pensée.

Je me rappelle avec nostalgie de mon grand-père, Léon Lile, heureux, je l’espère, là-haut, quelque part, qui à la fin des repas de famille – lui qui avait échappé par miracle à tous les pires traquenards de 14-18 et même à la débacle des Dardanelles, à la tête de sa compagnie de tirailleurs sénégalais – fort joyeux d’en avoir réchappé, se permettait des blagues de fin de déjeuner que l’on qualifiait de «grivoises», c’est à dire d’une «gaieté licencieuse» comme le rappelle le Robert. Je n’y comprenais goutte (blieb in der Schwebe, comme disent si justement les allemands, faisant ainsi mentir OSS117… ), ma puberté n’étant même pas annoncée et les sources d’information aussi rares que l’eau dans le Sahara, mais je me souviens de l’une d’entre elles. Je le revois encore, à l’avance réjoui des protestations qu’il allait provoquer, rouge de ce Pommard de négoce qu’il adorait, poser la question existentielle à l’assemblée : le mot cuillère est-il masculin ou féminin ?…

Bon, on se dit tout, hein, les réussites et les erreurs : je n’ai sans doute pas vraiment lu les données techniques à fond au moment de la commande, le fournisseur est un peu responsable, mon œnologue aussi, moi bien sûr beaucoup, mais bon, voilà, mon chariot élévateur à tête rotative qui devait décuver en tournicotournon la cuve n’est… pas assez puissant pour porter les 2,5 tonnes du «Bucket» de 2000 litres. C’est balo. J’avoue. Je me mettrais des claques, mais c’est comme les chatouilles, tout seul, avec soi même, ça ne fonctionne pas. Contrairement à d’autres choses (gaieté licencieuse, quand tu nous tiens…)

On va donc presser de petits volumes, en espérant que nos amis de Toyota soient compréhensifs.

Anyway, ca presse, sans bourbe et le résultat est top. En regardant couler la presse, claire et sucrée, dans un nuage de glace carbonique qui le protège de l’oxydation, j’ai bien sûr pensé à premier contact, de Denis Villeneuve et je m’attendais à voir des signaux d’heptapodes à travers la brume.

Si vous avez aimé le film, tentez le livre. C’est un roman court, publié chez Denoël avec 7 autres nouvelles de Ted Chiang, absolument brillantes. La Tour de Babylone, au fait, c’est le titre.

Et ce bleu, les amis, ce bleu, pile poil le bleu du ciel de Vingrau ce matin…

J’ai dit ici combien j’ai pleuré la mort de Jóhann Jóhannsson, un merveilleux compositeur dont j’écoute sans fin la musique, dont bien sûr celle-ci… Il a beaucoup travaillé avec Hildur Guðnadóttir (la compositrice de Chernobyl et du Joker) dont une des musiques m’accompagnera sans doute dans ma crémation future… Mais bon, on a le temps, hein. Mais bon, au cas où, j’espère que quelqu’un lira le poème de Clare Hamer…

Do not stand at my grave and weep
I am not there. I do not sleep.
I am a thousand winds that blow.
I am the diamond glints on snow.
I am the sunlight on ripened grain.
I am the gentle autumn rain.
When you awaken in the morning’s hush
I am the swift uplifting rush
Of quiet birds in circled flight.
I am the soft stars that shine at night.
Do not stand at my grave and cry;
I am not there. I did not die

Bon, je vais très bien, hein pas la peine d’avertir les urgences psychiatriques 😉

Ce que j’écoute, au jour le jour, pendant les vendanges. Mais pas tous les jours.

3 commentaires

  • William
    25/08/2022 at 9:43 am

    Hilarant ce matin le BIZEUL
    Tout n’est pas encore décidé donc … ni démission épistolaire, ni crémation
    Amitiés

    • Levavasseur
      25/08/2022 at 11:35 am

      Hummmm un pinot gouleyant !

  • damien
    25/08/2022 at 4:26 pm

    On vous préfère comme ça que un peu tristoune (comme l’autre jour) le ciel de Vingrau est magnifique , et effectivement cette photo du jus de presse est incroyable!
    Et encore un livre a ajouté a ma wishlist ( c’est le 2eme depuis le debut des vendanges)
    Mais du coup, c’est feminin ou masculin cuillère?

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