Vendanges 2023 – Jour J – Tergiverser

Bon, voilà, on a commencé. Enfin, si on veut. Petite équipe, plus de questions que de réponses, plus d’hésitations que de décisions. Quelques caisses sur la remorque. Parti, mais pas arrivé. Ca va être long, difficile et compliqué.

Un client de passage m’attrape ce matin au vol et me demande si les « Pinot Noir » sont vendangés à des dates différentes des autres cépages. Je pourrais lui répondre oui. Mais voilà, je suis fatigué, stressé (j’ai entièrement rangé et nettoyé la cuisine du bureau ce matin, placard, ustensiles, couverts, congélateur, etc. avec l’aide de Léna, histoire de ne penser à RIEN d’important). Alors je me lance dans une tirade qui m’amène, quinze minutes plus tard, à lui raconter tout ce que je sais sur le Pinot Noir, y compris que c’est LE champion de la résistance à la sécheresse mais qu’il a ses limites, l’histoire des générations de cépages, classés par leur date de maturité par rapport au chasselas, j’en passe et bien d’autres. J’espère que toutes ces informations ne l’ont pas lassé…

Comment lui dire que c’est bien plus encore compliqué que ça ? Que quelques jours avant, je me suis mis tout en bas du côteau, à 200 mètres en face, pour mieux voir les pieds qui souffraient, indiquant à Serge, Alex et Sylvère où placer des rubans balises afin de déterminer des secteurs précis qui ont été vendangés en ce premier jour. Genre scène de crime…

Que tout compte ? Le sol, le plan, la météo, la taille, le moindre nuage. Qu’on va sans doute faire la moitié gauche de la partie droite avec une partie du haut de la parcelle du haut mais seulement 12 rangs, tandis que la partie gauche de la partie droite de la parcelle du bas ira dans une autre cuve. Mais pas le haut, plus argileux. Le tout décidé alors que les sécateurs sont levés et attendent de couper?

Que tout ça c’est le résultat d’une discussion de près de deux heures, a minima, étalée sur trois jours, dont le résultat est, je crois, je pense, la bonne décision.

De toute façon, ce sera la bonne décision, parce que dans ce métier, on ne sait jamais le vin qu’on aurait produit si on en avait pris une autre. Je ne suis pas en Bourgogne, pas au Clos Vougeot ou à Corton, je ne pourrai pas, dans trois ans, goûter la parcelle du voisin qui a vendangé deux semaines après, vinifié différemment, élevé dans d’autres pièces. Je serai seul, devant le vin que j’aurai fait, même si tout seul je n’aurais rien fait.

Les raisins sont beaux, faut le dire. Et le montrer.

Je suis toujours fasciné par la photo qu’on sort avec un téléphone. Les premières photos numériques, c’était un canon à 300 000 pixels. On est dans l’entreprise, on vogue dans le futur. Personne ne semble remarquer ce que ça permet. Ah, ça ne pardonne pas, au fait.

Sauras tu trouver le grain pas mûr sur la photo ? Bravo ! Il y a du Dora l’exploratrice dans chacun d’entre nous… Faut peut-être que j’arrête le 16/9 et que je repasse en 4/3. Ah, si j’étais un bon photographe…

Le temps est couvert, 30 degrés à 9 h, saturé d’humidité. Tout le monde souffre, transpire, mais avance. La journée sera courte, on se met en jambe. Heureusement.

Mais que c’est beau. Le feuillage est magnifique même s’il ne dépasse pas le haut du piquet. Nous n’avons eu ni à rogner, ni à tresser, la pousse s’est arrêtée bien avant la véraison. C’est, je pense, de bon augure. Mais dans ce vin, la clé, c’est la délicatesse. Il ne faudra donc pratiquement pas toucher les moûts en cuve, laisser les baies s’ouvrir, se donner, sans rien exiger, sans rien forcer.

Bon, c’était le premier jour. On reviendra jeudi. Ou pas. Rien ne presse.

Ce que j’écoute, au quotidien, au jour le jour mais pas tous les jours… Certains jours, genre ceux où j’écoute Gracie Abrams, j’en suis pas fier. Mais ça me donne la pêche… Cette fille a quelque chose, croyez moi…

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La citation du jour, mais pas tous les jours…

« La seule façon d’être heureux, c’est d’aimer souffrir » disait Woody Allent