Vendanges 2023 – Jour J+6 – Mourir (un peu)
Vulnerant omnes ultima necat. Toutes blessent, la dernière tue.
Je me souviens, il y a longtemps, avoir vu pour la première fois cette citation latine sur un vieux cadran solaire. Il s’agit des heures, bien sûr. Que ne profitons nous pas, idiots que nous sommes, de chaque heure qui passe… J’avais le temps, enfant, de lire les pages roses du dictionnaire. What Else. Était-ce mieux ou moins bien, je me garderai bien d’entamer le débat. Ça suffisait à mon bonheur, celui de découvrir un passé si lointain, pourtant toujours si juste..
Je pensais à ça en regardant mes vignes mourir, mes vignes mortes. Oh, je ne me plains pas. Alors, ne me plaignez pas non plus s’il vous plait. Je n’écris pas pour ça, j’écris pour expliquer, autant que faire se peut, ce que ressent le vigneron devant la grêle, la maladie, le gel ou, désormais, le chalumeau. Mes frères vignerons, parfois, m’en remercient.
Après cinq jours d’une canicule étonnamment tardive qui, à ce que j’en lis, a touché presque tout le monde, disons qu’ici, pendant les dernières heures du jour, les derniers rayons du soleil, rasants, véritable feu liquide ont brûlé les feuilles directement dans l’axe, puis, la protection leur étant retirée, a brûlé les fruits.
J’ai dit que je tenterais de rester happy face cette année, un peu comme ça
Mais bon, c’était plutôt, vendredi soir, s’assoir sur le bord de la vigne et retenir ses pleurs. Sur les terroirs caillouteux de la Devèze ou sur les cailloux roulés des hauts de Tautavel – moins ailleurs, heureusement, donc pas partout – les dégâts sont spectaculaires. Serge avance l’explication qu’ils ont emmagasiné la chaleur qui est venue s’ajouter. Sans doute a t’il raison. Mais à quoi bon connaitre les causes, le mal est fait.
On voit bien ici le côté couchant, le feuillage brûlé , les raisins sans protection qui commencent à friper , les peaux brûlées .
Là, ce sont des ceps entiers, qui sont morts. Ils ne se comptent heureusement que sur les doigts des deux mains. Enfin, je n’avais pas l’énergie pour les repérer tous. L’espoir nous sauve.
Ailleurs, enfin, on voit que le Kaolin n’a pas suffit, que les feuilles ont brûlé alors qu’en arrière plan, on voit dans les grains roses que l’on est facilement à deux semaines d’une juste maturité. Rien à faire. Ah, oui, accepter. Toucher le fond, donner un coup de pied, remonter. J’ai le pull marine. C’est déjà ça. Ah, mais pas la piscine.
J’ai passé le week-end à cogiter. A chercher des solutions, à envisager des futurs. Heureusement, des amis sont passés, j’ai cuisiné pour eux, la cuisine, c’est salvateur, ça occupe l’esprit, les mains aussi. Puis j’ai guetté la pluie, annoncée pour le week-end. Un supplice, cette attente. Pendant 24 heures, le radar nuage faisait dévier au dernier moment les nuages vers le bas ou ou vers le haut, évitant Vingrau (le point rouge), VOULANT éviter Vingrau. Le sud de Perpignan a été rincé, Narbonne arrosé par des heures d’une fine bruine. Ici, à peine 8 mm. C’est loin de suffire. Vu que la tramontane se lève, autant dire rien. Autant vous dire aussi que j’ai dormi comme un bébé : réveillé toutes les deux heures, les yeux grands ouverts, affolé…
Restons positifs, attaquons une nouvelle semaine. Le temps a résolument changé, on annonce des nuits à 17° et des journées à 23°, ensoleillées, on va voir si l’eau permet la réhydratation des baies, si le goût de cuit n’est pas trop important, si on trouve une stratégie de tri, une autre de vendanges.
Demain est une autre lutte. On va y arriver. Je ne sais pas où, mais on va y arriver. Et faire des grands vins. Comme en 47 !
La citation du jour, mais pas tous les jours…
« Ceux qui prédisent ne savent pas, ceux qui savent ne prédisent pas » Lao Tseu
Le bonheur de vous lire le matin, votre enthousiasme à chercher le positif en permanence.
Merci
On ne se lasse pas de Lao Tseu qui nous enseigne déjà qu’il n’y a pas devrai but car le but, en réalité, n’est autre que le chemin qui y même.
Mais, surtout, enseignement suprême : » Pratique le non agir et tout rentrera dans l’ordre. »