Vendanges 2023 – Jour J+7 – La recette des vendanges


Le jour où j’ai promis d’écrire chaque année une recette des vendanges, j’aurais mieux fait de me taire. Jusqu’au dernier moment, je me creuse la tête pour trouver une façon de cuisiner qui va faire la différence, qui va vous réjouir, qui va marquer vos déjeuners d’automne, qui peut se préparer à l’avance et se réchauffer. Jusqu’à lundi dernier, rien, nada. Et puis hier, j’ai tiré mon joker et envoyé une bouteille à la mer vers Mamie Caro.

Ah, Mamie Caro. C’était la meilleure amie de ma mère, elles cuisinaient ensemble, au feu de bois, habillées en noir. C’était le bon temps, celui où les femmes trouvaient réalisation et bonheur en servent les hommes mais ne s’asseyaient pas à table, connaissant leur place, où laver le linge au lavoir était un art, que dis je une fierté, lavoir qui était d’ailleurs le centre politique du village, l’agora où se nouaient les alliances, laissant croire ensuite aux hommes, naïfs, que c’était eux qui décidaient. De sa voix douce, si faible et chevrotante désormais, du point phone de son Ehpad qu’elle peut utiliser chaque jour pendant 10 minutes, gentillesse incarnée, elle m’a rappelé cette vieille recette que faisait ma grand-mère, les légumes farcis aux feuilles de figuier et qui a enchanté mes dimanches d’enfant… Mais comment avais je pu l’oublier !

Les gens observateurs et qui me connaissent intimement remarqueront qu’au niveau du ventre, j’ai finalement peu changé. Encore quelques années et je n’aurai plus de cheveux, puis il y aura les couches. C’est quand même étrange, vieillir. Ce retour vers les fondamentaux.

Sautant à pieds joints le muret de presque un mètre qui me sépare de l’arbre, me voilà sous le figuier !

Je renifle une feuille et tout me revient : les bruits et l’odeur de la cuisine, allée des Camélias, Perpignan, Mémé Marguerite, Mémé Caro, Alexandrine, la bonne, Pépé, dans le jardin et ses blagues de sous-préfecture qui faisaient rougir les joues à la fin des déjeuners du dimanche.

Tout me revient, les gestes, les mesures, les proportions, véritable voyage immobile, porté par la psyché qui ne connait ni le temps, ni l’espace. Hop, un tablier, me voilà en cuisine.

Pour faire ces magnifiques légumes farcis, qui n’ont rien à voir avec TOUT ce que vous avez pu faire avant, il vous faut :

  • 350 g de chair à saucisse (en fait, des saucisses que vous dépiotez, c’est parfait)
  • 350 g de viande de bœuf hachée (on trouve de l’excellent charolais en barquette, le boucher se fait rare…)
  • On peut mettre du veau. C’est bien aussi. On peut aussi congeler tous les restes de viandes de l’été, boeuf, poulet, pigeon et les hacher. C’est plus roots mais c’est bon aussi. J’aime pas jeter.
  • Deux foies de volaille ou mieux de lapin. C’est important. Ca change tout.
  • 200 g de mie de pain (pas de pain de mie, par pitié; ou d’un boulanger, l’industriel c’est vraiment de la merde. La mie d’une baguette pas trop cuite fait l’affaire)
  • Un peu de lait ou de crème fleurette (je préfère)
  • Deux oeufs entiers
  • Une belle grosse botte de persil plat ou frisé (j’aime bien frisé), de l’ail, en cette saison, frais
  • 4 à 6 échalions, pas trop gros
  • 6 échalotes
  • Trois tomates bien mûres, pleine terre, trois oignons (doux des Cévennes ici), trois pommes de terre (nouvelles en cette saison) pas trop grosses et de la même taille, deux courgettes moyennes ou trois petites rondes. Ou que des tomates, bref ce que vous voulez, aimez, préférez, détestez.
  • Sel, poivre, huile d’olive, thym
  • Un grand plat qui va au four ou une plaque à rôtir.
  • et bien sûr, attention, ça arrive, le petit truc en plus : DE BELLES FEUILLES DE FIGUER, lavées pour la poussière.

On y va ? On y va.

Séparer la mie de pain de la baguette ou le pain de mie de sa croûte. La mettre à tremper avec la crème fleurette, saler légèrement, poivrer. Mettre au frais.

Dans un saladier, jeter les deux viandes, y ajouter les foies de volaille hachés fin mais pas trop. Mettre au frais. Je sais, c’est rouge. C’est comme ça.

Peler et hacher finement les échalotes. Si vous n’en avez pas, achetez vous sans tarder cet appareil magique, simple, incassable et facile à laver. Ou celui là, que j’adore, même si j’émince comme un chef. Ou faites le au couteau et pleurez.

Ah, au fait, j’ai décidé de faire fortune en touchant des commissions sur vos achats sur Amazon. A nous deux Bernard Arnault. Le match démarre ! J’ai calculé que si tous les jours un milliard de personnes lisent mon blog et achètent un éplucheur, ça peut le faire. En mille ans, je le nargue. De loin, mais je le nargue.

Passez votre persil sous l’eau, séparez les pluches de persil des tiges, hachez très finement.

Sortez la mie de pain du frigo, la presser pour enlever le lait (mais bon…) ou la crème.

Tout jeter sur la viande, ne pas oublier les œufs, saler, poivrer, sans excès, mélanger intimement, d’abord à la fourchette, puis y mettre un peu les mains, malaxer, vivre, quoi. Goûter. Rectifiez l’assaisonnement. C’est vert. Cest normal. Arrêtez de vous poser des questions sur le persil. Obéissez.

Farce au frais.

Pelez l’ail, coupez le en deux, enlevez le germe. Ca sera fait. Pelez les échalions, gardez les entiers s’ils sont tout petits, coupez les en deux verticalement sinon. Ca sera fait aussi. Mettez tout ça dans un petit bol, nettoyez votre plan de travail. Sinon vous ne ferez jamais top chef.

Lavez tous les légumes. Les évider soigneusement à l’aide d’une petite cuillère, d’un couteau, d’une cuillère à pomme parisienne, ou tout ce qui vous va bien. Si vous n’avez jamais évidé un légume pour faire des farcis, cherchez sur ebay « les farcis pour les nuls ». C’est rare mais qui sait ?

NE JETEZ PAS l’intérieur des légumes. Réservez les dans un petit bol, sauf la pulpe de tomate qu’on met dans une petite passoire, saler, laisser égoutter.

Alors, là, deux solutions. Ou vous vous contentez du très bon, où vous tentez l’exceptionnel.

Pour l’exceptionnel, il faut passer les pommes de terre et les oignons cinq minutes dans un cuit vapeur. Pas plus. Mais UNE FOIS évidés, pas avant. Juste pour les pré-cuire un tout petit peu, car, plus longs à cuire, ils n’ont pas le même temps de cuisson que les tomates. J’espère que vous avez remarqué… La pomme de terre, même si vous êtes contre. Elle est importante. Elle donne du liant. Sinon, ça sera bon mais les pommes de terre et les oignons seront craquants et/ou les tomates un peu trop cuites.

Préparez le plat en le tapissant généreusement de feuilles de figuier. Une seule couche, elle peuvent se chevaucher légèrement mais pas plus. C’est fluo. C’est normal.

Préchauffer le four à 150/160°

Poser tous vos reste de légumes au fond du plat, ajouter la pulpe de tomate, le reste de farce, l’ail, saler, poivrer. C’est le secret du jus. Le jus, c’est essentiel.

Après les avoir bien lavés, farcissez les légumes, en remplissant bien mais pas en bourrant. Il faut un bon équilibre viande/légume. Les installer dans le plat de cuisson au fur et à mesure. Répartir dans les espaces libres et pour caler les légumes les échallions, entiers, verticaux. Remettre les couvercles et les chapeaux. Sourire en convoquant son enfant intérieur.

Sel, poivre, thym, huile d’olive généreuse, un chouïa de beurre frais, c’est pas mal aussi.

Ca devrait ressembler à ça.

Au four, une heure sûr, une heure et demi peut-être. Une heure et quart puis un quart d’heure dans le four éteint, pour que ça se détende. Voire plus, c’est meilleur tiède.

Dans tous les cas, à mi-cuisson, un peu d’eau (ça dépend de la qualité des légumes, en fait, de où ils ont poussé, de qui les a cultivé…) bien arroser avec une pompe à jus. Là, j’avais un fond de jus de poulet rôti de la veille, c’était parfait aussi. Mais la feuille de figuier boit bien plus que des farcis normaux-pensant. Là, ce sont des farcis HPI. Mais ne vous en faites pas, vous arriverez à les comprendre. Même les farcis sont HPI en 2023, que voulez vous, on vit une époque formidable.

Bon, vous me direz, c’est des farçis. Et bien non. C’est différent, y a un truc en plus, un goût, un raffinement. C’est le vrai « luxe rural » si cher à Paul Mas qui en a fait un livre. Ca se sert avec un riz basmati, cuit au ricecooker, hein. Et basta.

Ca se mange sur plusieurs jours, ça se fait le matin et se laisse au four jusqu’au soir ou le soir jusqu’au déjeuner , c’est une VRAIE recette de vendange.

Et elle doit tout à ma chère amie Marie-Caroline, styliste culinaire de haute volée, qui m’a donné l’idée et avec qui nous pratiquons depuis vingt ans un comique de répétition bien rodé sur le sujet de ma grand mère. Elle est très en forme, validera je l’espère ma recette dont le début l’aura fait sourire !

Ouf, c’est fait. Ah, one more thing : après y avoir goûté, compliqué de revenir en arrière…

Ce que j’écoute, au quotidien, au jour le jour mais pas tous les jours… Besoin de légèreté ce matin. Et cette chanson me le donne. En toi la midinette parler tu laisseras.

La citation du jour, mais pas tous les jours…

« On ne mesure pas un homme à ce qu’il possède, mais à ce qu’il partage… » Lu sur le merveilleux blog culinaire «C’est ma Fournée » cité par son auteur, Valérie, trop forte.

10 commentaires

  • pax
    29/08/2023 at 10:31 am

    Heureusement qu’aucune de ces Ste femmes , Mémé Marguerite, Mémé Caro, Alexandrine, la bonne n’ont jeté bébé avec l’eau du bain ! Nous n’en serions pas là.
    Au fait se sont peut être elle les fées du domaines…?

    • Frédéric Loison
      29/08/2023 at 5:35 pm

      Cher Hervé, tout ceci nous a bien mis l’eau à la bouche… mais quel vin en accompagnement ? Perso : j’aurai tenté un « images dérisoires » servi un peu frais…!?
      Grand merci pour cette recette mais surtout pour l’ensemble du blog. Amitiés.

  • Cyril
    29/08/2023 at 12:18 pm

    Merci #miam

  • Marie-Caroline Malbec
    29/08/2023 at 5:31 pm

    Recette validée !
    Fou rire aussi !!!
    Rien ne vaut l’amitié, et rien ne vaut la cuisine, le vin, la table pour la célébrer, foi de Mamie Caro ! (Le correcteur d’orthographe à mis foie mais je le méfie de lui… quoique, le foie dans une bonne farce, c’est essentiel)…
    Cette recette est délicieuse, et la feuille de figuier une belle alliée de nos menus d’automne pour accueillir ou envelopper les fruits, les légumes, les viandes et même les moissons ou pour parfumer l’eau de cuisson du riz ou des pommes de terre cuites à l’eau.
    Hervé, je suis sûre que cette vendange éprouvante sera pour toi l’occasion de démontrer que tu es un très grand vigneron comme tu sais le faire depuis que tu as posé le pied sur la terre de Vingrau. En attendant de le déguster sur un plat de mamie Caro. Vive nous !

  • Christian De Chateauvieux
    29/08/2023 at 9:35 pm

    Mon Dieu ! J’en ai eu envie dès les premières lignes et … dès demain je m’y attaque. Encore une fois, comment fais-tu pour tout faire comme ça ? Tu nous aimes en fait et tu as envie de nous gâter.
    Hier tu disais que tu n’avais envie de rien , que ton frigo était vide, que Grandfrais pouvait attendre, et là tu nous fait saliver..
    En fait un grand merci pour tout et là tout est dit…
    Courage à toi et à toute l’équipe.

  • Claire
    29/08/2023 at 9:48 pm

    Super recette qui.merite d être publiée dans le livre des Recettes de Vendanges du Clos des Fées …belle Madeleine de Proust…blog toujours aussi bien écrit chaque année…un Régal et magnifiques photos aussi…good job …

  • Damien
    30/08/2023 at 11:46 am

    ça donne vraiment envie! difficile de trouvé des feuilles de figuier, mais je garde la recette dans un coin de ma tête, merci Hervé!

  • Michel Smith
    30/08/2023 at 1:20 pm

    Stop ! Oui, la mie de Mamie est l’amie des farcis… et si j’en juge par l’eau que j’emmagasine en bouche, par ta faute, mon verre quotidien de manzanilla ne suffit pas à calmer mes sens . D’ailleurs, au risque de choquer Mamie Caro, je compte ajouter sur certains légumes deux ou trois rondelles de chorizo, ni trop fines ni trop épaisses. Demain, j’irai cueillir les feuilles du figuier qui pousse sur la vieille muraille du quartier avant de foncer aux Halles de Béziers !

    • Marie-Caroline Malbec
      30/08/2023 at 5:24 pm

      Mamie Caro n’est pas choquée… la cuisine c’est ça, chacun ajoute son grain de sel ou son bout de chorizo !

  • Pascal
    30/08/2023 at 9:56 pm

    Hervé, la recette m’a donné l’eau à la bouche aurait di Gainsbourg, je t’en prie ne sois pas farouche. Merci pour ce petit partage de vendange et bon jeudredi

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