Vendanges 2023 – Jour J+16 – S’enfuir


S’enfuir comme le temps, la vie, l’amour. Ou devant des animaux. Ce qu’on va faire, en fait.

A un moment de ma vie, j’ai aimé raconter des d’histoires drôles, ce qu’on appelait à l’époque des blagues. Bon la mode est passée et ça ne se fait plus, sauf aux « grosses têtes » sur RTL. De temps en temps, certaines, parmi les centaines que j’ai pu connaitre vers 14-15 ans me reviennent en mémoire.

Ce matin, c’était celle du gars dans une brasserie qui a commandé un steak frites et à qui le garçon demande : «alors, comment avez-vous trouvé la viande ? ». « Par hasard, sous une frite », répond l’autre.

Comment l’avez vous trouvée, cette grappe de grenache blanc ? Par hasard, sous une feuille.

Que voulez vous, c’est la fatigue. Vous l’avez compris, les volumes, ça ne s’arrange pas. Mais c’était joli.

On est entré dans le dur, dans la zone Grands Vins, si tant est que j’en fasse, bien sûr. On a changé de cave, parce que faire des vins de fruit et des vins de lieux, comme je les appelle, ça peut pas se faire dans la même cave.

On est monté de 300 mètres, on a quitté la plaine, à nous Opoul, Vingrau, Tautavel et Lesquerde. On est le 10 septembre, on est en phase dans le timing d’une année normale. Mais tout le reste est anormal. Vignes à peine poussées, grains minuscules (on va directement mais sûrement vers un très grand millésime de vin rouge, rare et de longue garde), peaux fines, couleurs intenses, pépins grillés et croquants, rapport entre le jus et la peau très à l’avantage de cette dernière, acidité étonnante avec des pH de vin blanc. On verra après malo.

Il fait bon, ni trop chaud, ni trop froid, un peu gris, quelques nuages pour la déco, pas de rosée non plus et quelques gouttes annoncées auxquelles on ne croit plus. Encore deux semaines. L’équipe est rodée, on avance, un pied après l’autre. C’est les vendanges. C’est aussi le grand angle de l’Iphone, la parcelle fait moins d’un hectare, on l’a plantée en 2007, sur la caillasse. Le feuillage arrive aux genoux…

Pas vraiment le temps de regarder le ciel ni de sentir l’air du temps. Ca bosse.

On fait le tour avec Serge et, rapidement, on doit accepter, encore, la situation : malgré les clôtures électriques trois fils dont deux cablettes métal et le contrôle tous les deux jours, la pression des sangliers s’intensifie. Celui là, sans doute à la recherche d’une charogne, d’une souris, de je ne sais quoi, a fait un trou impressionnant.

Serge me raconte que je ne sais plus où, dans l’Aude, un sanglier est rentré dans un jardin et a attaqué un chat. Le chat est mort. Le mien aussi est mort, pauvre Georges, écrasé devant chez moi au début des vendanges. Je n’ai pas voulu plomber l’ambiance. C’était un bon chat, jeune, indépendant, câlin juste ce qu’il faut, sauvé de la rue. Il ne méritait pas ça. Il me manque. Ecrasé par une voiture, mangé par un sanglier, il y a t’il une mort meilleure qu’une autre?

Le long des clôtures, les landes en repos sont dévastées, ce qui va gêner les semis d’automne. On se croirait à l’entrée d’un stade de rugby à Marseille et, à force de pousser, bien sûr, certains arrivent à passer. Après, si les fils sont emmêlés, c’est open bar parce qu’il n’y a plus rien à manger ni à boire autour. Il suffit d’une horde et de quelques heures de buffet à volonté pour détruire le peu qu’il y a sur les vignes. Trop de risque, on change le programme, on fera tout le secteur en deux jours.

Longtemps, le manque de moyen a décidé de mes vendanges. Puis le matériel, limité. Puis la cave, minuscule. Maintenant, ce sont les sangliers qui décident du moment des vendanges. Étrange situation qu’un mot du Préfet, et donc du président dont ils sont la voix, réglerait en deux semaines : autoriser la chasse de nuit dans le terrain militaire, le véritable vivier, autoriser les lieutenants de louveterie a réguler les population la nuit, encourager les chasseurs à enfin faire leur boulot, ouvrir une filière pour utiliser la viande de centaines de cochons qui dévastent tout. Mais bon, balance ton sanglier, ce n’est apparemment pas d’actualité.

Décision prise de clôturer en fixe le secteur, même si le coût sera faramineux.

Ce que j’écoute, au quotidien, au jour le jour mais pas tous les jours…

La citation du jour, mais pas tous les jours…

« La seule façon d’être heureux, c’est d’aimer souffrir. » Woody Allen

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