Vendanges 2023 – J+20 – Prendre le temps


N’ayant jamais vinifié ailleurs que chez moi, bien des choses qui me semblent normales ici me feraient passer pour fou, sans doute, ailleurs. Le fait d’avoir 150 parcelles sur 35 km de rayon autour du garage d’origine, en premier lieu.

Je pensais à ça en rejoignant, de bon matin, l’une des plus éloignées d’entre elles, Lesquerde. Aucun regret mais bon j’use des pneus. Chaque jour, comme je l’avais imaginé au début, est un changement total, de vue, de situation, de climat, de cépage, de terroir, bien sûr. Impossible de se lasser.

A Lesquerde, les vignes semblent être d’une autre région. Pourtant, du sommet de « la Planète », le nom du lieu dit, on voit clairement la montagne de Vingrau et son « Traou del Caball », la faille dans la montagne où les contrebandiers à cheval passaient, autrefois, entre ce qui n’était pas vraiment la France et ce qui n’était pas vraiment l’Espagne.

Les granit décomposés, déjà, qui évoquent la Bretagne et que l’on appelle arène, avec un accent grave, s’il vous plait. Je précise, parce qu’à la moindre faute de frappe ou d’orthographe, je me prends un mail dans les dents d’un fanatique que je ne connais même pas. L’orthographe n’est pas ma spécialité, malheureusement.

Ce sable grossier, qui va de beige à blanc est issu de la dégradation des feldspath, le groupe de minéraux le plus important volumétriquement de la croûte terrestre. Bon, je n’en sais guère plus, mais j’ai retenu ça en visitant un jour l’incroyable carrière de gypse de Lesquerde. Sous mes pieds, un immense morceau de gypse, la pierre depuis la nuit des temps indispensable à la fabrication du plâtre, est aujourd’hui utilisé dans le ciment. Enfin je crois. C’est une carrière dite « à chambres et piliers abandonnés en étages superposés ». On s’y enfonce donc comme dans un parking, de niveau en niveau, en tournant, dix, quinze, je ne sais plus, c’est assez incroyable et… très blanc. Un peu Carare, en Italie, sans la dureté du marbre.

Bon, je ne sais pas pourquoi je vous raconte ça. Cette parcelle, à Lesquerde, elle est perdue mais on l’aime et on en fait « de battre mon cœur s’est arrêté ». Le granit et la Syrah, c’est une histoire d’amour genre Roméo et Juliette, mais qui finit mieux et chaque année donne des vins à l’arôme de violette, vins tendus, de demi-corps comme dit mon maître Didier B., mais qui touche, sans que je ne sache vraiment pourquoi. Au fond, le Canigou.

L’idée était d’en faire un vin embouteillé tôt, dans son adolescence, presque brut. Son succès m’étonne et me réjouit. Ca ne parle jamais technique mais émotion. Ca me va.

La pluie ici a été généreuse et, pour une fois cette année, vous ne me verrez pas me plaindre de la quantité; on devrait faire une année normale, voire un peu mieux.

Bon, sur tout le tour, les merles, principalement mais pas que, s’en sont donné à cœur joie et ont gentiment nettoyé sur cinq ou six pieds de profondeur. On aime à laisser les grappillons pour les grives, et puis voilà que les merles s’en mêlent. C’est la nature, qu’est ce qu’on y peut hein.

Temps chaud, humide, récolte très correcte, degrés ne montant pas cette année et je ne vais pas m’en plaindre. Décision rapide, inutile d’attendre, vendanges lundi 18 septembre.

Pour la suite, en revanche, envie de flâner un peu, de prendre mon temps. Il ne reste que des Grenache de compétition, des Mourvèdre rares mais bien disposés, quelques Carignan encore plus rares, qui prennent une bonne direction grâce à une météo magnifique qui va encore battre des records avec un « nouvel été », l’indien peut-être, annoncé. Avec un peu de chance, la dernière semaine va tout changer.

Vendanger, écrire, vinifier, écrire, vivre (un peu…), tout devient plus difficile. J’espère que vous n’êtes pas las…

Ce que j’écoute, au quotidien, au jour le jour mais pas tous les jours…

La citation du jour, mais pas tous les jours…

« Tu n’as aucune chance, alors saisis là » Schopenhauer

6 commentaires

  • Levavasseur
    20/09/2023 at 8:46 am

    Merci pour le Canigou…si longtemps que je ne l’ai pas vu!
    N’arrêtez pas… merci Schopenhauer

  • Lloret Jenny
    20/09/2023 at 9:06 am

    Toujours un plaisir à lire et à suivre depuis toutes ces années…

  • Patrice BONNET
    20/09/2023 at 9:15 am

    Je ne laisse pas de commentaire à chaque billet, mais le coeur y est.
    Je vous lis régulièrement grâce au mail que je reçois.
    Merci Hervé de nous faire partager vos émotions, de nous raconter vos vendanges, toujours très intéressant.
    Cordialement,
    Patrice Bonnet
    Concarneau (habité Toulouse l’an dernier, et fidèle de la dégustation de début décembre)

  • Cyril
    20/09/2023 at 11:56 am

    On est la ! Pas las

  • William
    20/09/2023 at 1:54 pm

    Pas las, mais comme déjà dit là, et surtout impatients chaque matin …
    Et les bienfaits à Vingrau soulagent nos peines caniculaires ailleurs

  • Michel Smith
    22/09/2023 at 2:24 pm

    Lesquerde, si proche et si lointain. C’est marrant, mais en vendangeant une dernière fois notre misérable carignan samedi dernier, en regardant sous un autre angle le Canigou et, plus à droite, les prémices des Corbières, je pensais à toi et à Didier Bureau. Didier avec lequel j’avais eu une expérience heureuse sur Banyuls. J’avais alors envie de rajeunir de 30 ou 40 ans pour tenter quelque chose de nouveau et d’audacieux, une sorte de beaujolais sudiste, du vin à boire, à boire à n’en plus finir… Quant aux photes d’orthographe, tout le monde en fait. Et ça ne change rien à la vie qui continue. Ravi de voir que tu avances dans ce grand millésime qui marquera les mémoires.

Laisser un commentaire

ABONNEMENT

Recevez les billets du blog dès leur publication. Et rien d'autre.

Archives