Vendanges 2023 – Jour J+22 – Jouer avec le feu


Il pleut. J’avais oublié la pluie. Le bruit, la sensation même de l’eau sur le corps.

Il pleut le jour de l’année où je sors de chez le coiffeur. Sublime, forcément sublime. Un message de l’univers, n’en doutons pas.

A cinq semaines de vendanges, je ressemble plus à rien, si tant est qu’en temps normal je ressemble à quelque chose. Aussi crotté que ma voiture, une sorte de « huppe » sur la tête le matin, vêtements tachés, baskets défoncées, on va bientôt me donner de l’argent, spontanément, dans la rue. Dans la galerie marchande de Leclerc, où je ne vais jamais, je traîne avec sous le bras une sorte de comporte en carton, mal foutue, avec quelques trucs de première nécessité qui me manquaient. De l’eau, du shampoing, des mikado pour mon fils qui arrive, je sais plus. Mais voilà, naïf que je suis, j’ai appris à la caisse qu’on ne donne plus de sacs en plastique chez Monsieur Leclerc, qui fait genre plus écolo qu’écolo, même réutilisable. Du tissu (bientôt tissé localement en chanvre du Roussillon ?) du carton, même pas double cannelure. Sous le bras, un pack de Mont Roucou dans l’autre main le machin en carton, je sors et surprise : déluge. On prévoyait une dizaine de mm, on a eu entre 50 et… 114 mn. Trempé (adieu mon brushing, bon, en même temps…), mon carton est réduit en pâte à papier le temps d’ouvrir mon coffre. Hop, dans la voiture, je sens le teckel mais j’ai la banane, je n’y peut rien : il pleut. Enfin.

J’ai souvent comparé les vendanges à une sorte de jeu de guerre (la vraie c’est moins drôle et donc je n’oserai pas), de stratégie, de rôle, je sais pas. A tout moment, un paramètre vient changer tous vos plans, redéfinit de nouveaux « possibles ». Un peu comme la psychohistoire de Fondation, dans le truc doré qui brille et dont j’ai oublié le nom. Vecteur ? Je sais plus. Vieillir, c’est affreux.

Bref, depuis la semaine dernière, deux beaux orages. Grave au sud de Perpignan, apparemment, tranquille sur les hauts cantons. 20 mm à Vingrau la semaine dernière, 15 mm hier. C’était bon.

Mais vendanger ou ne pas vendanger, telle est la question. Je suis joueur, on va attendre. Tant pis si je me brûle, de toute façon, c’est pas mûr.

…/…

Bon, on est presque une semaine après ces quelques mots, écrits le soir de ma douche sur le parking de Leclerc et il est temps de vendanger les trois Carignan qui nous restent. On file au dessus de Tautavel, une vigne historique du Clos des Fées, une des premières achetées en 1998, qu’on bichonne depuis.

Il est temps, l’orage d’hier n’a pas fait de bien, mais cette semaine fut importante, c’est évident, même si, cette année, étrangement, les degrés ne montent nulle part.

Les grappes sont belles, le feuillage commencent à peine à rougir, la pulpe même est colorée, les peaux deviennent fragiles, il est temps.

Dans le Carignan, les pédoncules deviennent rouges, en « pied de coq ». Ca ne trompe pas.

Bon, on va pas se mentir, on est dans la transparence, pas sur Insta. Je montre mes raisins, déjà, pas mon cul, et sans filtre. Disons les choses : sur les derniers Grenache, ça commence à décrocher.

Bon, j’ai eu un peu du mal à trouver quand même une belle moisissure à vous montrer. Elle ne touche pas les raisins brûlés de début de saison, bien secs et qui seront enlevés par l’égrappoir, mais seulement ceux brûlés récemment par les cinq jours de feu en août. Donc, il y en a peu des bien verts et bien dégueu comme ça. En revanche, plus au nord… Mais bon, chez les riches, on montre pas.

La tramontane se lève, normalement cette nuit et pour trois jours, grand beau temps la semaine prochaine. Mais, mercredi, on va je pense se quitter. Je vous prépare doucement, je sais qu’il y en a qui vont souffrir le matin, sans blog…

Ah, au fait, c’est le zoom du nouvel Iphone, qu’Apple m’a envoyé en avant première pour me remercier d’un blog si brillant, lu hier par 470 personnes, mon record. Alors, je renvoie l’ascenseur. Rien de plus normal. Le titane, c’est chic, y’a pas à dire. C’est biocompatible en fait, comme l’a brillament découvert Per Ingvar Branemark, qui aurait dû avoir le prix Nobel pour ça mais n’a voulu ni du pognon, ni de la gloire. Pourtant, ma bouche et ses implants en titanium lui doivent beaucoup.

En vrai, je t’explique : tu tombes un peu dur sur ton iphone, tu as une plaie un peu profonde, tu colles ton iphone 15 pour qu’il touche l’os, tu mets une bande, tu attends et, peu à peu, ton iphone eh bien, tu vois, il se colle avec tes os au niveau mo-lé-cu-lai-re par ostéointégration. Eh oui, la classe, nous voilà « augmentés », même pas besoin de répondre à l’appel de la forêt d’Elon qui cherche des cobayes. Ta mère, elle peut plus te l’enlever. Et oui.

Bon, c’est la fatigue. Demain, les cacahuètes qui poussent dans le sol. Ah, au fait, Steve Jobs ne vit pas sur une île privée du Pacifique (avec Elvis Presley) et Apple ne sait pas que j’existe. Au cas où…

Ce que j’écoute, au quotidien, au jour le jour mais pas tous les jours…

La citation du jour, mais pas tous les jours…

«Chaque individu perd en intensité ce qu’il acquiert en sécurité.» Jacqueline Kelen, L’esprit de solitude

6 commentaires

  • William
    22/09/2023 at 10:34 am

    Applement fatigué le BIZEUL

  • pax
    22/09/2023 at 11:28 am

    Jouer avec le feu ou jouer avec les fées ,? Fortes chance que dans l’un ou l’autre cas on en sorte pas indemne.
    Mais, que lit on encore ? Leclerc ? C’est bien de la GD Leclerc qu’il s’agit ? Son surnom c’est Rembrandt tant Michel Edouard manque de clarté
    dans ses propos et dissimule sa pensée sous le double langage des communicants qu’il maitrise à la perfection.
    On peut ainsi dire qu’ il illustre, à lui tout seul, le clair obscur spécialité picturale mondialement reconnue de Rembrandt
    CQFD

  • Patrice BONNET
    22/09/2023 at 1:20 pm

    Bon, alors bientôt plus de blog ? Ah non, Hervé, chaque année c’est la même chose,on nous appâte avec des mails racontant les vendanges, et puis… plus rien ! Silence radio 🙁
    Trêve de plaisanterie, merci, encore merci de nous raconter chaque année vos vendanges avec tellement de passion.
    Patrice B.

  • Lloret Jenny
    22/09/2023 at 4:20 pm

    J’ai bien rigoler… Merci ça me parle tellement ! Je suis partie avec le beau temps en tee-shirt blanc, sans souci la violette… et je viens de rentrer sous la pluie trempée jusqu’aux os…

  • Claire
    22/09/2023 at 9:26 pm

    Difficile d imaginer un des papes du Roussillon ressembler à un clochard…on essaiera de se passer du blog…pas le choix…je suis certaine que les vins seront miraculeux car miraculés de la sécheresse qui a terrasse les Pyrénées orientales cet été…moins de bouteilles, certes mais plus de richesse, plus de suavité, plus de richesse aromatique, plus de chair, cela risque d en surprendre plus d un…j entends d ici les commentaires…de ceux qui ne croient pas aux miracles de Dame Nature et la Détermination d un vigneron qui a démarré seul dans un petit garage et qui n a pas repris le vignoble de papa comme la plupart des vignerons et vigneronnes que l on connaît…créer un vignoble et gérer plus de 45 parcelles…c’est titanesque et je n imagine même pas cela possible sans l’intelligence artificielle…min neveu est en vac plus dix sciences et 3 ans de IE…CNRS…il va trouver le robot pr gérer tout cela avec moins de travail neurologique …trop à penser et trop à faire…comme les grands couturiers qui préparent un grand défilé…il faut penser à des centaines de détails tous très importants…boulot de dingue…ceux qui ne savent que critiquer devraient faire 3 semaines de vendanges chaque année…pr comprendre le rapport physique et charnel avec la terre et la vigne et le raisin…raisin qui est comme les peintures naturelles de Rembrandt ou Vermeer ou Van Gogh…

  • Arnaud
    24/09/2023 at 11:53 am

    merci Hervé de nous raconter chaque année vos vendanges et vos péripéties.
    Votre blog va beaucoup me manquer, je bois vos écrits à chacune de vos publications. je vous remercie de perpétuer ce travail aussi miticuleux et donner de l’amour pour chaque ceps de vigne. Vous faites parti des vecteurs de la garantie du patrimoine viticole Français.
    J’espère vous rencontrer pour goûter sur fût ce millésime qui vous a causé tant de soucis.
    Arnaud des clubs Epicure

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